Post dépressif
Septembre 2008. Pressentiment : Je suis frigide. Et l'amour des beaux garçons ne m'est pas connu autrement que par l'envie de possession, mais non de l'appropriation ou de la demande active, non par le mouvement de sueur de fusion physique profitant à l'égoïsme : par le besoin inaltruiste et ouvert de se savoir important, ou utile, un moment donné durant, dans la seule immédiateté de mon être et sans rien à prouver : ce que je ne connais que par le sexe et le baiser, cet instant pas tout à fait corporel ni libidineux. Il s'agit peut-être d'une passivité au plus haut point, qui userait de l'envie de possession à rebours. Ainsi que d'un égocentrisme omniprégnant, qui serait terrifiant alors : je t'aime sincèrement et entièrement, je te pardonne de tes passés et je veux vivre tes futurs, pour le regard que tu me donnes ou me donnerais, de moi-même, ou sur moi-même par les autres. Période actuelle de fin de mes dix-huit ans = phase où celui qui se croyait source transparente d'amour à l'avenant se voit fermé, impénétrable, recroquevillé dans une carapace de miroirs où le regard ricochant se délecte de cicatrices pas même dues à des blessures, et une seule présence qui lui manque. (Pas une seule au sens que c'est la seule : juste une seule, plus qu'une seule.)
Pressentiment qu'il faut vérifier : Je suis frigide. Barthes : l'ennui est la jouissance vue des rives du plaisir. Je m'ennuie dans ce lit avec toi parce que j'ai délecté ce besoin de me voir moi-même en acte et que maintenant même si je jouis je ne suis pas certain d'en jouir – qu'on en finisse. Je crois très bien imaginer ce que l'on peut me faire, je vois assez peu ce que je peux faire, je signifie en tout cas assez peu. Ne me laissez pas y réfléchir ; et tant qu'on y est ne me laissez pas m'attacher à vous, baisez-moi. Même métaphoriquement.
J'ai besoin d'avoir mal autrement que par moi. Les garçons sont toute la beauté du monde et tout ce à quoi j'aspire, et je ne m'étendrai pas là-dessus, sur eux, pourtant : s'il y avait un autre moyen pour la reconnaissance sociale et l'autoreconnaissance socioconstruite et les ex-pulsions, j'abandonnerais probablement le sexe : je suis donc frigide. Ou bien je suis juste en manque.
Pressentiment à vérifier en excluant de ce malaise la seconde cause possible, les peurs de mal faire et de ne pas avoir assez fait, le seuil de la jouissance. D'où programme pour les jours d'après la fin des entraves, petit b. J'hésite à me considérer après lors, car je risque d'y perdre : en maladresse, en naïveté, en espoir, en pénibilité complaintive et contemplative.
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Entre hier et aujourd'hui, deux articles certes vagues et risibles, et l'un hermétique, et l'autre censuré, mais qui retranscrivent avec une part certaine de justesse et de finesse ce que je ressens en ce moment jusqu'auquel j'ai décliné, à savoir : je ne vis plus l'amour et je n'aime pas le sexe. Je me fais très peur. J'ai très peur.
Ce défaut d'intérêt pour la politique et l'actualité découle bien d'un supra-narcissisme en fin de compte. Je ne croyais pas y baigner autant ; j'ai très peur. « La perception prudente de ma propre inanité suffit-elle à m'emplir ? »