mardi 28 août 2007

Schrödinger avait raison


Je commence à en avoir marre, là. C'est n'importe quoi cette histoire.

Je veux dire, tu rentres de Sicile, tranquille, bronzé. (Bon bronzé dans mon cas ça veut dire livide au lieu de transparent, genre "ah mais t'es resté à Paris toi ?", genre "Mais c'est pas possible d'être plus blanc que ça, t'es pas bronzé" "Tiens regarde la marque du maillot" "AAAAAh" *fuit*, mais bronzé nonobstant.) Donc tu rentres de vacances, tu réintègres la casba, tu redéranges tes quartiers oranges. Tu es content car ton père a enfin fini de déménager et il ne reste presqu'aucune de ses affaires gênantes, y compris sa présence. Et en plus il fait beau sur la capitale pour la première fois depuis vingt mois juste quand tu débarques : jovial tu es.

Sauf que.
Sauf que tu ne t'attends pas forcément à ce qu'il te manque un chat. Non non non. Et pourtant, le fait est là, tu as beau fouiller tous les recoins, il n'y a plus qu'un chat sur les deux. Laquelle (oui c'est une femelle, et l'autre aussi d'ailleurs, mais maintenant, je te le dis, le féminin de chat c'est chat, sinon on ricane gravement quand tu distribues tes affiches de recherche dans les magasins du quartier avec les larmes au coin des yeux), laquelle donc est devenue complètement folle, et ne sait pas pourquoi parce qu'elle est complètement conne (c'est un chat, hein), mais elle miaule à tout va et se meurtrit de solitude que c'en est insupportablement triste et tristement insupportable.

A ce stade-là tu échafaudes des hypothèses habiles. Parce qu'un cadavre de chat, c'est déprimant, mais un non-cadavre de chat, et même un non-chat, c'est relativement pas probable. Alors qu'est devenue la toutoune après quelques jours dans un appartement au cinquième étage blindé ?
La seule ouverture était la terrasse : elle aurait pu sauter et son petit corps déboyauté aurait été gloutonné par les pigeons (j'ai tourné la phrase dans tous les sens, mais raté, elle est toujours pas drôle). Mais c'est quand même peu envisageable, elle a pas sauté en onze ans, elle va pas se prendre l'envie d'un coup comme ça parce qu'il fait pas beau. En plus la terrasse donne sur la cour intérieure, elle aurait pas disparu à l'impact.
Autres hypothèses, sachant que mon père est passé plusieurs fois pour prendre ses affaires et les emmener loin loin dans un quelconque chez-lui :
- il a laissé la porte ouverte (ce con) et elle s'est enfuie. Mais c'est improbable, puisqu'il y a plusieurs portes avant la sortie de l'immeuble, elle serait restée dans l'escalier...
- il l'a écrasée avec son lit et a pas osé nous l'avouer (non mais même objectivement, mon père est une tapette abrutie, on sait jamais) (j'ai assez moyennement gardé cette possibilité, c'est quand même gorissime) (et puis ça aurait laissé des traces de sang sur la moquette)
- il l'a mangée
- il l'a embarquée avec lui, le fourbe
- il s'en est fait des mitaines
Au point où on en est, tu écoutes même tes amis compatissants qui t'assurent qu'elle a été piquée par une araignée radioactive et vogue joyeusement pourchasser la veuve et l'orphelin...

Tu commences à faire des recherches, à poser des affiches, mais le coeur y est moyen, puisque t'as aucune idée du pourquoi du comment, tu es perdu en pleine mystèritude.

Et ce matin, miracle ! Un appel subit d'une vieille dame du coin t'en sort un pitit peu. Madame Mystèritude, c'est même pas une meuf de l'immeuble, style tous les locataires se sont donnés le mot pour te laisser crever dans ta détresse parce que t'es la famille du proprio, j'adore. Aimez les gens. Et alors Madame Mystèritude elle te dit qu'en passant voir une autre pote vieille dame dans la semaine, elle a appris l'affaire.

L'affaire, c'est que mon abruti de père a bien dû laisser la porte ouverte, vu que le chat en question s'est coincé dans un recoin du coffrage dans une cage d'escalier (me demandez pas, je sais pas ce que c'est) (une histoire de fin de canalisation, un truc comme ça). Donc tout le samedi, et tout le dimanche, les gentilles gensses de l'immeuble ont entendu des miaulements terrorisés et éperdus dans un endroit invisible de l'escalier, alors geint geint, grogne grogne. Le lundi, que je t'appelle l'architecte-gérant, et que je te fais envoyer des gens pour chercher le chat paumé.

Mais chaton malheureux, chaton peureux, alors chaton se terre six pieds sous terre et se révèle indémerdablement coincé. Par dépit, les gens envoyés ouvrent deux-trois portes de coffrage ou que sais-je pour que genre le chaton peut sortir s'il lui prend l'envie de gambader attraper des souris entre les étages.

Le jeudi, le chat est toujours coincé, miaule toujours bien que assez moins fort, le pauvre. Locataires : soupire soupire, geint geint, grogne grogne, que je t'appelle les pompiers (il était temps, plutôt). Pin pon et hop hop, les pompiers déboîtent tout, sauvent habilement le chaton, et tout aussi habilement, le laissent s'échapper dehors. Parce que c'est vrai, faut comprendre, un pompier, c'est musclé, c'est sexy, c'est plein d'uniforme, c'est viril, ça te sort dans les bras de la maison en feu, mais contre un féroce chaton armé jusqu'aux griffes, c'est complètement démuni. Alors voilà-t-y pas que le chat véloce sème tout le monde et s'en repart vagabonder dans Paname. Je te rappelle que ce qui passe devant l'immeuble, c'est la nationale. Youpi youplà tralala.

A ce stade du récit de Madame Mystèritude, tu hallucines quand même un chouïa, sans champignon ajouté, et tu déprimes un tout ptit chouïa aussi, vu que ton chat pur pedigree d'appart depuis 1812 promène son pelage obscur dans la jungle obscure de la ville obscure dans la nuit noire (et obscure).

Je passerai sous silence (c'est une figure de style : en fait je vais le dire juste après) la sollicitude naturelle des Parisiens et banlieusards (tu vois ? c'est rusé hein ?), pas seulement des locataires, mais aussi des commerçants avenants, parce que comprends-tu, monsieur client, c'est hypeeeeeer pas possible de placer votre avis de recherche, comment voulez-tu qu'on aille gâcher la belle vitrine avec une intolérable petite feuille blanche où ya même des mots, et à part ça c'est sur place ou à emporter ?


...Alors en désespoir de cause :
Nous recherchons notre chatte noire échappée dans la région de la place Marcel Sembat à Boulogne-Billancourt, perdue depuis le 23 août. Elle porte une tache blanche sur le cou, et le code CAD750 tatoué dans l'oreille droite. Si vous avez une quelconque information, merci de me contacter quelque part, genre ici. Récompense possible à la clef, en espèces, nature, tapis, tableaux, capotes, bijoux, CD, meubles, murs, toits...

dimanche 26 août 2007

...s'assemble

le 18 août 2007

La lecture croisée permet des rapprochements involontaires, aléatoires et auxquels on n'aurait jamais pensé autrement. Ainsi, après avoir fini la deuxième nouvelle de L'Exil et le royaume de Camus, intitulée "Le Renégat (ou un esprit confus)", je passe sans le faire exprès au chapitre "Des Renégats" d'Ainsi parlait Zarathoustra. Et dans les deux la même idée des dieux multiples qui se proclament seuls maîtres, du Dieu jaloux bafoué, du Dieu unique grotesque, et du rabattement insensé et creux des questions universelles que plus personne ne se pose. A la fin de la nouvelle, le renégat meurt étouffé par le sel où il avait été (et s'était) enfermé ; à la fin du chapitre, Zarathoustra renie les renégats et s'en retourne chez lui, dans sa solitude.

Autres rapprochements improbables : Oh Mother, de Christina Aguilera, a exactement la même mélodie que le francocélèbre Vois Sur Ton Chemin des Choristes - quelqu'un peut-il m'expliquer ? Et il y a aussi cette chanson d'Elton John, Whispers, qui emprunte les trois quarts de ses accords au thème de Maya l'Abeille... sans compter que Philadelphia Freedom, du même, c'est quasi le thème principal du jeu Grandia...

Dans un semblable ordre d'idées, les derniers hasards de l'ordre aléatoire de mon iPod, lequel, on le sait, peut se montrer fort facétieux :
- lors du décollage, Out Of Touch (la chanson house débile et génialement dansante de Dave Amestrong, reprise par les Uniting Nations)
- à l'amorce de l'atterrissage, Tiësto - Break My Fall : je ne suis pas franchement superstitieux, mais j'ai quand même vite fait zappé
- sous le soleil de midi, sur la terrasse, Heaven's On Fire des Kiss, si c'est pas magnifique !

D'ailleurs, après une courte journée de soleil, je vais déjà mieux : la migraine que je traînais depuis deux semaines a disparu, mes traits sont moins tirés, et même mal rasé et pas épilé et mal coiffé et pas maquillé, je me sens presque beau. Je ne parviens pas à me rappeler depuis combien de temps mes yeux n'étaient plus devenus bleus ; aujourd'hui ils sourient et le ciel y est aussi dénué de nuages que dehors ; je réalise à quel point, même semi-geek, même ultra-nerd, je suis un enfant du soleil, avec toute la dépendance que cela implique.

jeudi 16 août 2007

into The Fray

La Loutre m'avait récemment envoyé l'album, je l'ai laissé traîner parmi les milliers de mp3 qui m'attendent, et après quelques écoutes voilà que le refrain du single s'insère insidieusement dans tous mes silences, quelque chose, je sais pas, une variation dans les voyelles qui s'oublie et s'accroche aux paupières


The Fray - How To Save A Life

samedi 11 août 2007

Sunny, one so true, i love you

« N'était-il pas écrit que le soleil détourne notre attention des choses intellectuelles vers les choses matérielles ? »

Dimanche dernier, 5 août, je me prélassais sous un soleil enfin digne de figurer dans le ciel d'un 5 août, étendu sur ma terrasse avec La Mort à Venise, et je ressentais enfin ce que j'attends de ressentir toute l'année, et ce que j'aurais dû ne cesser de ressentir ces mois-ci, et ce que j'ai cessé de ressentir dès le lendemain, novembre demeure au pouvoir depuis fin avril.

Cette reposante tranquillité lorsqu'on s'allonge dans la chaleur,
lorsque tout l'air
et toute la vie
se prélassent, une douce senteur de surchauffe accompagnant
le silence paisible...
Le corps est tout à fait détendu, à peine présent,
soulevé par les rayons ; et en lui sommeille
une surexcitation contrôlée, une envie bouillonnante de tout à la fois,
et c'est un tel délice de l'évanouir dans tout ce calme,
de l'estomper pour s'évanouir à son tour, et
plus rien que le soleil.
C'est à la fois nostalgie des étés d'enfance, et abandon sans lendemain,
trêve sincère de l'immédiat, et trêve depuis les anciennes trêves,
souvenir à la surface et sérénité soudaine et suffisante ;
et l'on ne craint même que vaguement le coucher, puisqu'il reviendra...
Plus rien n'est rien et puis pourquoi, quoi d'autre :
plus rien que le soleil.

« Alors il avait parfois l'impression d'être transporté dans une région élyséenne, aux confins de la terre, là où une vie de béatitude est réservée aux hommes, où il n'y a ni neige, ni frimas, ni tempêtes, ni torrents de pluie, mais où Okeanos laisse toujours monter la douce fraîcheur de son souffle et où les jours s'écoulent dans les loisirs délicieux, sans peine, sans lutte, entièrement voués au soleil et à son culte. »

Et c'est ce sentiment que j'attends l'an durant,
c'est lui que novembre a volé en revenant.

(La Mort à Venise, chapitre IV)

jeudi 9 août 2007

hier il a grêlé en août

J'ai tant d'articles prêts à l'écriture, tant de livres prêts à la lecture, tant de chansons prêtes à l'écoute, tant de choses prêtes à être connues et apprises, tant d'apparence à capturer, tant d'attention à accaparer, et je passe mes journées à observer sans but et sans motivation, sans énergie, sans personnalité.

Je fais tant de projets qui restent en l'air, je fonde tant d'espoirs que je regarde s'envoler, je reste perdu, bien que sachant où aller, les yeux devant le ciel et le coeur qui s'atterre ; je ne fais que dormir éveillé et me laisse essouffler ; et je joue dans l'amour et je vis la nuit, sans compter sur les jours qui fuient vers septembre.

Je suis entre l'attente des temps libres et la conviction d'y être, exactement entre, c'est-à-dire nulle part.

Si je n'étais pas si encore jeune, je n'aurais aucune raison de vivre.




Edit : Une fois épanché, ça va mieux, merci :)
Edit 2 : Par contre il fait toujours très novembre
Edit 3 : Et je laisse mes posts misérabilistes si je veux.

mercredi 1 août 2007

This rare perfume is the sweet intoxication of love

Je n'arrive à écrire directement à l'écran que lorsque je ne sais pas du tout où je veux aller, ni vraiment d'où je pars. Les impressions émotions pulsions fleurissent toutes seules de-ci de-là et mon clavier leur est directement accessible, je tape maintenant plus vite que je ne pense de toute façon. J'aimerais bien un jour parvenir à cet alliage remarquablement au point de spontanéité et de cohérence qu'affiche perpétuellement mon prof particulier de lettres, et ce serait bien aussi que j'arrête de fantasmer sur lui sous l'unique prétexte qu'il est mon prof particulier, parce qu'il affiche quand même un non-style ahurissant, il leur faudrait quelques gay à l'ENS pour des cours obligatoires d'apparence, je verrai ça quand j'y serai.

Enfin, le Toulousain va parfois très loin dans l'insulte au style aussi, lors du dernier séjour il m'a souvent fallu toute ma force de persuasion menaçante (niveau 0.8 sur l'échelle du Parrain) pour l'empêcher d'enfiler un genre de polo probablement importé du royaume des aveugles, aux rayures radioactives pour quiconque possède des yeux et en a un peu lu le manuel. (Je suis très difficile en rayures) (Cela dit, rendons à Brutus ce qui est à César, surtout maintenant qu'il n'y a plus de droits de succession : il a quand même mis, le dernier jour, un haut col V à capuche et rayures et woah, mais vraiment, dangereusement sexy, du genre que ce n'est même plus un appel au sexe tellement la ligne est perturbée, du genre qui réveilla en moi des instincts longtemps enfouis, tels que faire la vaisselle. Je suis même pas sûr qu'il s'en rendait compte - il refuse de se rendre compte qu'il est beau, ça doit être pareil pour les fringues)


Je postais pour parler de Magnolia, film de P.T. Anderson que je viens de voir, seul - le fait est assez singulier pour être souligné : je n'aime pas voir de films seul, mais il me semble, me connaissant, que c'était pour trouver un prétexte pour ne pas appeler le Toulousain ce soir-là non plus - le film dure trois heures, le temps de le finir il était trop tard. (J'ai envie de lui parler, mais j'ai peur. Raph a lutté à moitié sérieusement pour que le bordélisme soit reconnu comme un handicap à prendre en charge par la société ; la téléphonophobie le mériterait aussi, on n'a pas idée à quel point ça isole.)

Magnolia, film au titre improbable, je l'ai commencé très détaché, très absent, mais il m'a tout de même fait monter les larmes aux yeux. C'est le genre de film qui commence en couille, donc qui ne peut plus y partir. Avec plein d'imprécis, plein d'inexpliqué, plein de vrai.

Il m'a beaucoup touché, mais le problème, c'est que le vrai, au cinéma, c'en est plus. Alors la scène où Philip Hoffman implore "This is the scene where you're helping me", merci bien. (Surtout qu'il est moche.) Notre film il est tellement vrai que même quand on dit que c'est du cinéma eh bah ça le rend vrai. Oui oui oui. Pareil pour l'enchaînement de coïncidences et d'imbrications : jouez la veine à fond depuis le tout début et faites genre c'en est pas pour que ç'ait l'air d'en être, puis arrosez le tout d'une délicate pluie de grenouilles, les spectateurs trouveront ça trop logique.

Quoiqu'il en soit, les acteurs sont incroyables.
Ce film m'a réconcilié avec Tom Cruise ("What am I doing? I'm quietly judging you.") ;
je n'ai jamais autant approché la peur de la mort (que j'ai encore la chance d'ignorer) qu'avec le jeu de Jason Robards ;
et William H. Macy m'a vraiment fait penser à moi :
"My name is Donnie Smith, and I've got lots of love to give."
"I'm sick and I'm in love. [...] I confuse the two, and I don't care."
"I love you, Brad, Brad the bartender. Will you love me back? I'll do good to you."
"And NO, it is NOT dangerous to confuse children with angels!"
"I've got so much love to give... but I don't know where to put it in."
...oui, c'est le gay, évidemment. Tss.
Et puis évidemment, il y a Julianne Moore. J'avais complètement oublié que c'était l'Aristo qui m'avait parlé de ce film, en me montrant la sublime scène où elle pète les plombs dans la pharmacie (avec n'importe quelle autre femme, le final sur "Suck. My. Dick." aurait été ridicule).

Donc le conseil de l'Aristo, suivi à partir de mon complexe face à Atreides, qui me fait vraiment sentir comme une merde tellement je suis rien du tout cultivé face à lui. Faible je suis. Je me demande vaguement si ma famille était présente lors de la distribution de dignité (le neuvième jour après la création, un mardi), parce que manifestement c'est pas une spécialité familiale, hein.


...Ah, il semblerait que j'héberge à nouveau des gens curieux, je vais donc remettre les louanges atreidesques à un peu plus tard (surtout que ma copine coiffeuse était partie et que j'ai dû aller à côté et qu'on dirait une lesbienne chauve) (non, rien)