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dimanche 17 décembre 2017

Harry Potter et la pierre philosophale


Nouvelle traduction.

Chapitre 1


Parfaitement normaux – ainsi se présentaient
Avec fierté Monsieur et Madame Dursley
Du 4, Privet Drive ; et leurs vies ordinaires
Se tenait à l’écart du moindre des mystères.
On n'imaginerait jamais pesant sur eux
Les soupçons du quartier ou les yeux des curieux.
Monsieur Dursley gérait, loin de ces inepties,
La firme Grommilard (perceuses garanties,
Fabrication maison, location, livraison).
Pour compenser un cou plus bas que de raison,        10
L'opulent directeur marchait avec panache
Et prenait tendre soin de sa belle moustache.
Grande et blonde, Madame aimait à la passion
Surveiller des voisins la moindre occupation
Grâce à un cou très long, cadeau de la nature
Qui juchait son regard par-dessus la clôture.
De l'avis des époux, on ne verrait jamais
De plus parfait enfant que leur garçon, Dudley.
Malgré des ambitions en tout point satisfaites,
Les Dursley recelaient quelques affres secrètes        20
Et leur plus grande peur était qu'on découvrît
Leur bonheur quotidien par un gendre assombri
Depuis le mariage, un jour sombre de honte,
De vies à la merci de ce que l'on raconte
Et de cette famille étrange : les Potter.
De Madame Potter Madame était la sœur,
Bien qu'à son humble avis elle eût pu ne pas l'être
Après autant d'efforts pour ne pas le paraître :
Face à leur entourage, elle passait son temps
À ne pas mentionner ce beau-frère infamant            30
D'un Dursley acceptable aussi loin que possible.
Tremblant que la rumeur ne les choisît pour cible,
Le couple redoutait surtout l’apparition
Du jeune fils Potter, dont la fréquentation
Ne pourrait de Dudley qu’entacher l’innocence.
Le morne et long mardi où l’histoire commence,
Au lever du soleil et du couple engourdis,
Rien ne laissait prévoir dans les nuages gris
Ce que tout le pays allait bientôt connaître,
L’air ne frémissait pas des désordres à naître.          40
Monsieur Dursley nouait en fredonnant gaiement
L'ennui de sa cravate à son air suffisant,
Sa femme résumait les ragots de la veille,
Et leur fils insistait pour qu'on prêtât l'oreille
Aux revendications de son ventre impérieux,
Si bien qu'aucun ne vit le passage gracieux
D’une chouette dorée par-devant la fenêtre.
Quelques instants plus tard, il fut temps d'apparaître
Au bureau : les époux s'embrassèrent, pressés,
Évitant attendris les restes clairsemés                      50
Du repas – c’est Dudley qui fait une colère :
Il a bien mal dormi, le bonhomme à son père –
Madame continua son ménager rituel,
Et Monsieur s'éloigna vers son jour habituel.

Ce fut dans sa voiture, au premier coin de rue,
Que Monsieur Dursley vit une chose incongrue
Pour la première fois : devant lui, à deux pas,
Une carte routière – et, la lisant, un chat.
L’espace d’un instant, espérant une errance
De sa vue, sa raison… (tout plutôt que sa chance),    60
Il ne comprit pas bien ce qu’il venait de voir ;
Mais le temps d’observer à nouveau le trottoir,
D’une quelconque carte il n’y avait plus signe,
Et seul un chat tigré à l’air crispé mais digne
Renvoyait son regard. Fixement. Un peu trop ?
Mais quoi ! Manquait-il donc à ce point de repos ?
Il se laissait jouer des tours par la lumière…
Risquant un dernier œil par la fenêtre arrière
Vers le coin de la rue qu’il venait de quitter,
Il vit le même chat lire – non, regarder :                  70
Les chats ne lisent pas de panneaux ou de carte, 
Et puis il se fait tard, il est temps qu’il reparte,
Loin du chat qui regarde un panneau anodin
Indiquant « Privet Drive ». Un stupide félin
Ne saurait arracher ses pensées sérieuses
Des commandes prévues de milliers de perceuses.

Aux abords de la ville, autre chose pourtant
Détourna son esprit d’un calcul important.
Patiemment assis dans son embouteillage
Comme chaque matin qu’éveillait un péage,            80
Il ne put s’empêcher de remarquer qu’autour
Un carnaval géant s’ébattait en plein jour.
Non, il ne rêvait pas : ces gens portaient des capes.
Celles d’un magasin de farces et attrapes
Que de jeunes voyous auraient dévalisé ?
Ou bien je ne sais quel raout alcoolisé
S’éternisait-il là, sur la place publique,
Infligeant aux regards ce ballet pathétique ?
Les doigts tambourinant sur le bord du volant,
Monsieur Dursley lançait vers le rassemblement       90
Mainte prière sourde étouffant en silence
Cette excitation qui blessait la décence.
Quoi ! Cet homme là-bas semblait plus vieux que lui
Malgré sa cape verte et son air étourdi !
Mais il se dit soudain : pour sortir de la sorte
Il fallait qu’on œuvrât pour quelque cause morte,
Et ces gens n’attiraient sans doute l’attention
Que pour l’heureux succès de leur noble mission.
Ce devait être ça. Oui. L’évidence même.
Puis la circulation cessa d’être un problème ;          100
Ça roula ; il trouva dix minutes plus tard
À se garer devant la maison Grommilard.

Eût-il ce matin-là changé son habitude,
Il n’eût pu qu’à moitié se plonger dans l’étude
Des perceuses du jour : seule sa position,
Le dos à la fenêtre et face au mur du fond,
L’empêcha d’aviser du neuvième étage
Ce dont toute la rue observait le sillage.
Partout, au ras des toits et des arbres vibrants
Sous les exclamations ahuries des passants,             110
Des chouettes fendaient l’air de la banlieue de Londres,
Se croisaient en plein ciel pour de-ci de-là fondre
Vers telle habitation identique en tout point
À celles qui avaient parsemé leur chemin.
Beaucoup des citadins entassés dans la rue,
Fermement décidés à douter de leur vue,
N’avaient même de nuit aperçu tel oiseau.
Pour nier la certitude, il était un peu tôt.
Loin de la confusion, et loin de toute chouette,
Monsieur Dursley resta d’une humeur guillerette     120
Toute la matinée : il avait pu crier
Sur cinq associés avant le déjeuner.
À midi, devant chez le boulanger d’en face
Où un bon petit pain sans trace de rapace
L’attendait patiemment comme tous les midis,
Il dépassa ces gens aux étranges habits
Qu’il avait jusque-là chassés de sa mémoire.
Jetant vers eux d’un œil une insulte assez noire
Pour se croire exempté de prononcer un son,
Il tenta d’ignorer l’embarrassant frisson                   130
Que le long de son dos provoquaient leurs murmures –
D’autant que pas un seul des coquins immatures
À surgir aujourd’hui du siècle dernier
N’avait l’air de vouloir se mettre à mendier.
Il allait leur tourner le dos, beignet en poche,
Lorsqu’il saisit ces mots du cercle le plus proche :
« En effet, les Potter, c’est ce que j’ai compris…
– …On dit que c’est l’enfant…
                                  – Ah oui, leur fils, Harry… »
Il s’arrêta soudain, figé, trébuchant presque.
La peur avait chassé le procès du grotesque.            140
À pas comptés, Monsieur Dursley se retourna
Comme pour dire un mot ; mais il se ravisa.
Il traversa la rue en courant ventre à terre,
Avala l’escalier, somma le secrétaire
D’interdire à tout prix l’accès à son bureau,
Et composait déjà, suant, le numéro
De chez lui – quand un doute interrompit son geste :
Rien n’avait confirmé le présage funeste…
Là encore, à coup sûr, il s’alarmait pour rien.
Potter était d’ailleurs un nom plutôt commun ;       150
Et parmi les lignées portant ce patronyme,
Beaucoup devaient compter un enfant homonyme.
Il n’était même pas certain de son prénom.
Ce pouvait être Harvey. Ou Harold. Ou Harpon.
Monsieur Dursley, souriant, posa le téléphone.
Vraiment, il ne fallait en alerter personne
Et Madame Dursley n’en devait rien savoir.
La mention de sa sœur pouvait tant l’émouvoir…
Elle et lui se montraient facilement cardiaques
À l’idée d’affronter les mœurs de ces maniaques.    160

Il trouva malaisé, cet après-midi-là,
De rester concentré sur le moindre contrat ;
Et en quittant l’immeuble à cinq heures passées,
Il demeurait plongé si loin dans ses pensées
Qu’au bout de quelques pas à peine à l’extérieur
Il heurtait de plein fouet un pauvre promeneur.
« Pardon », grommela-t-il à la frêle silhouette
Avant de remarquer sa cape violette ;
Mais le petit vieillard à moitié renversé
N’avait pas l’air le moins du monde contrarié.         170
Au contraire, il souriait même jusqu’aux oreilles
Comme s’il revenait du pays des merveilles,
Et, d’une voix stridente attirant l’attention
Des trois quarts de la rue, il s’écria :
                                                    « Voyons !
Mon bon monsieur, taisez votre humble politesse
Et sachez profiter de cet instant de liesse !
Ne vous excusez pas, réjouissez-vous, plutôt !
Vous-Savez-Qui, vaincu !... Ce jour est le plus beau
Depuis près de onze ans – que dis-je, de nos vies !
Nos deux mondes, sortis aujourd’hui de la nuit !      180
C’est un temps pour les chants et les cérémonies ;
Un moldu tel que vous devrait danser aussi ! »
Sur ces mots, le vieillard l’enlaça par la taille
Et laissa une rue comme un champ de bataille
Revenir peu à peu de son effarement
Tandis qu’il s’éloignait d’un pas indifférent.
Monsieur Dursley sentit que sa grinçante échine
Ne le laisserait pas vraiment prendre racine.
Il ne comprenait pas ce qui s’était passé.
Un parfait inconnu l’avait-il enlacé ?                        190
S’étonnait-il tout bas en cherchant sa voiture.
Et cet étrange mot sonnant comme une injure ?
De quel droit ce vieux fou à l'entrain saugrenu
L’avait-il affublé de ce nom de « moldu » ?...

Une fois son mardi entier mis sur le compte
De l’imagination – non sans mal, ou sans honte,
Puisqu’il désapprouvait tout fruit de l’invention,
À plus forte raison de l’imagination –,
Monsieur Dursley, secoué, put reprendre la route,
La vitesse chassant ce qui restait de doute,              200
L’habitude avalant l’étrange et l’incompris,
Si bien qu’il crut pouvoir approcher de chez lui
L’esprit calme et serein. Mais, au numéro quatre,
Il sentit à nouveau l’inquiétude s’abattre :
Le curieux chat tigré aperçu ce matin
L’attendait patiemment sur le mur du jardin
– Il le reconnaissait à ces deux marques nettes
Qui ceignaient son regard de petites lunettes.
« Pscht ! Pschttt ! » l’exhorta-t-il, sans grand succès pourtant :
Le chat, silencieux, l’observait froidement.              210
Était-ce de la part d’un vieux chat de gouttière
Comportement normal, réaction ordinaire ?
Se demandait Monsieur Dursley, déconcerté,
Mais toujours résolu à ne rien mentionner
De sa longue journée à sa femme ; laquelle
Lui détaillait déjà chaque infime nouvelle
Du voisinage alors qu'il franchissait le seuil
(C’est ce qui chaque soir lui tenait lieu d’accueil),
La plupart au sujet de la fille cadette
Des voisins d’à côté – elle leur tenait tête –              220
Et Dudley, au milieu de l’un de ses repas,
Avait appris, cet ange, un nouveau mot : « Veuxpas ! »
Monsieur Dursley savait qu’il peinait à paraître
Aussi calme et normal qu’il aurait voulu l’être.
Plus tard, Dudley couché, les parents fatigués
Passèrent au salon pour les actualités.
« On termine aujourd’hui sur un peu de mystère :
Divers observateurs de toute l’Angleterre
Ont été les témoins du vol inhabituel
De chouettes en plein jour. On ne sait pas bien quel       230
Curieux évènement entraîna des centaines
D’oiseaux nocturnes dans ces valses hitchcockiennes.
Mystérieux, en effet. » fit le présentateur
Avant de se permettre un sourire moqueur.
« Et tout de suite, Jim McGuffin nous présente
La météo. Donc, Jim, vivrons-nous dans l’attente
D’une nouvelle pluie de chouettes, ce soir ?
– Eh bien, Ted, là-dessus, je ne peux en savoir
Plus que vous ! Je sais, par contre, qu’une autre pluie,
Tombée apparemment dans le Kent, à Dundee,        240
Et jusqu’en Yorkshire, a autant étonné
Nos téléspectateurs. Beaucoup m’ont appelé
Pour m’informer qu’au lieu des averses constantes,
Le ciel était hier plein d’étoiles filantes !
Ce n’était pas du tout dans mes prévisions.
Peut-être a-t-on lancé les célébrations
De la nuit de Guy Fawkes avec un peu d’avance ?
C’est dans une semaine ! Il faut garder patience.
Mais ce soir, en tout cas, devrait être pluvieux. »
Figé dans son fauteuil, écarquillant les yeux,            250
Monsieur Dursley fixait les images démentes.
Des chouettes en plein jour ? Des étoiles filantes ?
Des costumes grossiers de toutes les couleurs ?
Et surtout, ce murmure au sujet des Potter…
Sa femme rapportait du thé de la cuisine
Et lui sentait toujours monter l’adrénaline.
Plus de doute : tout ça sentait vraiment mauvais ;
Il lui fallait parler à Madame Dursley.
Il se racla la gorge et posa la théière :
                « Dis-moi, Pétunia, ma chère,                  260
                N’aurais-tu pas, dernièrement,
                Eu vent de quelque événement
                Au sujet de ta sœur cadette ? »
Comme il s’y attendait, elle tourna la tête
Et braqua sur lui deux yeux choqués et furieux.
Après tout, d’habitude, ils restaient silencieux
Sur le gênant sujet de la belle-famille
Dont Madame affectait d’être l’unique fille.
                « Du tout, » cracha-t-elle. « Pourquoi ?
                – La télé », fit-il en émoi,                         270
                « Parlait de choses affolantes :
                De chouettes, d’étoiles filantes…
                Et aujourd’hui, près du travail,
                Ces costumes d’épouvantail !
                – Que veux-tu que cela nous fasse ? »
                Il réprima une grimace.
                « Enfin, je me dis simplement…
                Tout ça, d’un coup, en même temps…
                Je me suis dit, ça me rappelle
                Les gens… tu sais, les gens comme elle ? »  280
Oserait-il lui dire avoir ouï le nom
Des Potter ce matin ? Il décida que non.
Quand Madame Dursley, de ses lèvres pincées,
Eut siroté son thé à petites gorgées,
Il poursuivit, aussi calmement qu’il pouvait :
                « Leur fils a l’âge de Dudley,
                Ou dans ces eaux-là ? 
                                                – Je suppose, »
Laissa-t-elle échapper après une autre pause.
                « Et quel est son prénom, déjà ?
                Howard ? C’est Howard, n’est-ce pas ?     290
                – Harry. Un nom très ordinaire,
                À mon avis, sans rien pour plaire.
                – Oh oui, je suis plutôt d’accord. »
Puisqu’il parvenait mieux qu’elle à se donner tort
Et que son pauvre cœur manquait de lâcher prise,
Monsieur Dursley calma son accès de franchise
Et monta sans un mot dans la chambre à coucher.
Quand Madame Dursley s'en alla se doucher,
Il risqua un coup d’œil en bas par la fenêtre
Mais le chat n’avait pas bougé d’un millimètre.       300
Il scrutait Privet Drive endormie devant lui
Comme s’il attendait que sortît de la nuit
Quelque chose, ou quelqu’un… Pourquoi dans cette rue ?
Avait-il eu depuis ce matin la berlue,
Ou fallait-il y voir signe que les Potter
Les jetaient aujourd’hui en pâture aux rumeurs ?
S’il était dévoilé aux gens du voisinage
Que les Dursley avaient caché ce cousinage
Avec des – non, il ne le supporterait pas
Il était déjà tard : le couple se coucha.                     310
Si Madame Dursley s’assoupit assez vite,
Monsieur Dursley ne put fermer l’œil tout de suite.
Les évènements fous de ce maudit mardi
Tournaient et retournaient au fond de son esprit.
Sa dernière pensée, la plus réconfortante,
Gagea que même si la famille infamante
Se révélait mêlée à ce pendable tour,
Rien ne disait pourtant qu’elle errait alentour,
Et rien pour le moment n'eût pu les compromettre ;
Après tout, les Potter ne sauraient méconnaître        320
Ce que sa femme et lui pensaient des gens comme eux.
Il conclut donc avec le même aplomb brumeux
Qu’aucun de leurs complots ne pouvait les atteindre,
Et bâilla longuement : il n’avait rien à craindre.

Vous vous doutez, lecteurs, combien il se trompait.
Car si Monsieur Dursley peu à peu s’endormait,
Le chat, lui, ne montrait nul signe de faiblesse,
Droit comme une statue, les yeux fixés sans cesse
Sur un coin de la rue apparemment banal
Sans que rien ne troublât son calme minéral.            330
Il ne tressaillit pas aux claquements de portes,
Ne frémit même pas quand de vives cohortes
De chouettes égarées manquèrent le frôler.
À minuit seulement le chat daigna bouger.
De ce coin qu’il fixait se détachait une ombre :
Sans un bruit, comme s’il caressait la pénombre,
Un homme s’avança tel que jusqu’à ce soir
Privet n’en avait vu ni n’espérait en voir.
C’était un homme grand et plus maigre que mince,
Au pas lent d’un vieux roi, à la robe d’un prince,     340
La barbe aussi chargée d’argent que ses cheveux
Noués à sa ceinture en un tour audacieux
Tombant, signe des ans, le long de sa silhouette
Qu’achevaient d’allonger une cape violette
Et les épais talons de ses bottes de cuir.
Ses yeux bleus si brillants qu’ils en semblaient bleuir
Égarés sous de fins verres en demi-lune
Détaillaient les maisons de Privet une à une ;
Et sur les bords saillants d'un long nez biscornu
Se lisait chaque écueil que l'homme avait connu      350
En ce siècle essoufflé qui l'épuisait encore.
Le nom de cet homme était Albus Dumbledore.

Mais Albus Dumbledore avait l’air d’ignorer
Qu’ici tout, de son nom à son habit doré,
Lui vaudrait les égards qu'on vouait aux microbes.
Il était occupé à fouiller dans ses robes
Lorsqu’il parut sentir les yeux posés sur lui
Et releva les siens avec un air réjoui
Pour croiser le sévère éclat d'une prunelle.
L’homme eut un gloussement qui secoua la ruelle,  360
Avant de murmurer :
                                « J’aurais dû m’en douter. »
Il sortit de sa poche un briquet argenté,
L'ouvrit et le tendit vers l'un des réverbères
Dont soudain, dans un bref claquement, les lumières
S'évanouirent jusqu'à la dernière lueur.
Douze fois il tendit le déluminateur
Et douze fois l'objet goba les étincelles
De sorte qu'en dehors des patientes prunelles
Du chat toujours sur lui, le noir se fit complet.
Même les yeux perçants de Madame Dursley            370
N'auraient pu déceler dans l'ombre de la rue
Le moindre mouvement. La mine résolue,
Dumbledore rangea le déluminateur
Dedans sa cape en s'avançant avec lenteur
Vers le numéro quatre, où après un silence
Il souffla au félin près de lui : « Quelle chance
De vous trouver là, Professeur MacGonagall. »
L'homme étrange voulut sourire à l'animal
Mais lorsqu'il se tourna vers lui, plus de rayures,
D'attentive raideur, de griffes, de fourrures :            380
Le chat sur le muret a soudain disparu
Et là où, un instant plus tôt, il s'est tenu,
Se tient droite une femme âgée, dont les lunettes
Sont des marques du chat les images parfaites.
Un rigoureux chignon serre ses noirs cheveux,
Sa cape est d'un vert vif, émeraude, et ses yeux
Brillent d'agacement dans l'étroite avenue.
« Je ne m'attendais pas à être reconnue.
– Ma chère, dans ma vie j'ai croisé plus d'un chat,
Et je n'en croisai pas d'aussi raide que ça.                 390
– Vous seriez raide aussi après une journée
Entière sur la brique à surveiller l'allée.
– Entière ? Seule, ici, loin des festivités ?
J'ai passé en venant cent banquets animés.
– Ah, ça, oui ! J'ai bien vu ! Des excès déplorables.
On aurait pu les croire un peu plus responsables.
Les moldus ne sont pas complètement idiots :
Même eux l'ont remarqué, c'était à leurs infos.
Les chouettes, et bien sûr ces étoiles filantes...
Je parie que l'on doit ces frasques imprudentes        400
À Dedalus Diggle, ce satané butor.
 – Pour autant, Minerva, peut-on leur donner tort ?
L'Angleterre longtemps s'était passée de fêtes.
Depuis plus de onze ans que nous courbions nos têtes...
– C'est vrai, mais aujourd'hui que nous la relevons
Fallait-il qu'aussitôt nous la reperdions ?
La joie se satisfait d'un peu de retenue.
Mais les voilà, de jour, en robe, en pleine rue.
Il ne manquerait plus que l'on nous découvrît
Le jour où disparaît enfin Vous-Savez-Qui.               410
Il aurait donc vraiment disparu, Dumbledore ?
– Selon toute apparence. Une nouvelle aurore
Saluait ce matin notre libération.
Puis-je vous proposer un bonbon au citron ?
– Quoi ?
                – Un de ces bonbons acides, friandises
Faites par les moldus et que je trouve exquises.
– Je vous remercie, non. » fit-elle froidement
Comme si ce n'était pas du tout le moment.
« Je dis que, même si nous acceptons de croire
À Vous-Savez-Qui mort au sommet de sa gloire,      420
Même alors...
                 – Minerva, je vous coupe, pardon.
Sans doute pourriez-vous l'appeler par son nom ?
Ce nom, « Vous-Savez-Qui », est fort déraisonnable.
Onze ans que l'on entend ce tic insupportable
Et j'ai eu beau plaider, personne n'en démord.
                 Il n'a qu'un nom : c'est Voldemort. »
Des années de terreur et des marches funèbres
Grondaient dans le seul nom du Seigneur des Ténèbres.
McGonagall ne put réprimer un frisson.
Dumbledore, pourtant, toujours à son bonbon,         430
Parut ne pas le voir.
                            « J'en suis toujours perplexe.
Une telle expression rend l'échange complexe.
Moi, la moitié du temps, j'entends « Vous-Savez-Qui »,
Je me demande un peu de qui donc il s'agit.
D'autant que je ne vois pas de motif valable
À craindre autant le nom que l'homme abominable.
– Je sais bien mais, Albus, vous êtes différent. »
Dit-elle, admirative, à l'homme exaspérant.
« En ce monde vous seul Vous-Savez-Qui redoute.
Pardon, soit – Voldemort.
                                – Flatterie ! Et j'en doute.         440
Le pouvoir du Seigneur des Ténèbres touchait
À des sommets que moi je ne gravis jamais.
– Vous accableriez-vous d'un peu moins de noblesse
Que vous en calqueriez la plus âcre prouesse.
– Une chance pour moi qu'il fasse sombre ici :
Je ne me souviens pas avoir autant rougi.
– Albus ! Sérieusement. Plus grave que les chouettes,
Plus diffus et bruyant que ces fâcheuses fêtes,
Il y a ces rumeurs. Avez-vous entendu
Ce qu'on dit sur sa mort, sur ce qui l'a vaincu ? »      450
Elle touchait enfin à la cause première
Qui l'avait fait attendre un long jour sur la pierre.
Jamais, en tant que femme ou en tant que persan,
Elle n'avait fixé de regard si perçant
Sur Albus Dumbledore. Il était manifeste
Qu'elle attendait de lui une parole, un geste,
Qui pourrait discerner le vrai dans les rumeurs.
« On dit donc qu'hier soir, pour trouver les Potter,
Voldemort apparut chez eux, dans leur village,
Au Vallon de Godric, laissant dans son sillage          460
Les corps inanimés de James et de Lily... »
Il baissa bas la tête. Elle poussa un cri.
« Lily, James... Je ne veux... Je refusais d'y croire...
Albus...
                 – Je sais, je sais... »
                                                Réconfort illusoire,
Il serra Minerva contre lui un instant.
« Et... l'on dit autre chose. On dit que leur enfant,
Leur fils de quinze mois sans force inhabituelle,
Aurait seul survécu à l'attaque mortelle ?
Sans qu'on sache comment, sans qu'on sache pourquoi,
Sa magie lui faillit pour la première fois :                 470
Ayant fait du garçon un orphelin lui-même,
Voldemort rencontra son ennemi suprême
Et bien qu'en cette guerre il fut cent fois vainqueur,
Sa puissance se tut devant Harry Potter.
– Oui : cette sombre nuit prend deux vies, nous délivre,
Et, mystérieusement, laisse un enfant survivre. »
D'un même mouvement ils séchèrent tous deux
Les larmes qui perlaient maintenant à leurs yeux.
Puis, Albus Dumbledore ôta de sa simarre
Une montre dorée d'apparence bizarre,                    480
Sans chiffres, mais où douze aiguilles indiquaient
Des astres étrécis comme des feux follets.
« Hagrid est en retard. D'ailleurs, c'est lui peut-être
Qui aura révélé où je devais paraître ?
– Sans surprise, c'est lui ; puis-je, moi, demander
Pourquoi c'était ici qu'il fallait vous trouver ?
– Je viens remettre Harry à son oncle et sa tante
 Qui sont dorénavant sa famille restante.
Un courrier de ma main les en informera.
– Vous n'oseriez pas ! Les gens qui vivent là             490
N'ont rien en eux qui nous ressemble ou nous accepte.
Les parents sont pétris de suffisance inepte,
Leur fils frappe sa mère au gré de ses humeurs,
Et vous leur confieriez l'héritier des Potter ?
Qu'avez-vous pu leur dire en une pauvre lettre
Du garçon que le monde entier devra connaître ?
Qu'apprendront ces moldus de quelques mots de vous ?
Son exploit sauve tous mais n'importe qu'à nous.
Les nôtres ne verraient pas de grâce plus grande
Que d'abriter chez eux cet être de légende.              500
De James et de Lily le fils miraculé
Longtemps par nos enfants verra son nom chanté !
Les livres de fiction et les livres d'histoire
Diront ce que nos vies empruntent à sa gloire
Et pourquoi chaque année l'on fête en même temps
La victoire et Harry Potter !
                                                   – Précisément.
Quel enfant peut grandir en se sachant célèbre
Sans que de vanité son cœur ne s'enténèbre ?
Célèbre avant d'apprendre à marcher et parler !
Pour ce qu'il ne pourra même se rappeler !               510
Loin des empressements de la foule servile
Vous savez comme moi qu'il vaut mieux qu'on l'exile.
– Oui. Vous avez raison, évidemment, Albus.
Que l'orphelin, au moins, n'abandonne pas plus.
Qui l'amène, d'ailleurs ?
                                  – Hagrid. Il est en route.
– Ah... Est-ce prudent ?
                 – J'ai confiance en lui.
                                                   – Sans doute,
L'homme est brave et dévoué, je n'en disconviens pas,
Mais un brin négligent... Qu'est-ce que c'est que ça ? »
Un grondement soudain déchirait le silence.
Il naissait de partout et gagnait en puissance            520
Sans que rien dans la rue ne parût s'éveiller ;
Se tournant vers le ciel, ils virent tournoyer
Une motocyclette immense qui fit halte
Dans un rugissement devant eux sur l'asphalte.
À cheval sur l'engin bruyamment atterri,
Un être plus énorme encore était assis,
Deux fois plus grand qu'un homme et cinq fois plus robuste,
Sa barbe et ses cheveux un amas noir et fruste
Qui cachait de ses nœuds son visage bourru,
Ses mains, gantées de cuir, d'un diamètre incongru,      530
Ses pieds deux dauphins nains dans d'épaisses chaussures ;
Et dans ses bras puissants : un tas de couvertures.
« Rubeus, vous voici. D'où vient cette moto ?
                 – Professeurs. J'ai le marmot.
                 Et Sirius Black me la prête
                 Pour cette mission secrète.
– Fort bien. Aucun souci ?
                                              – Non,
                 Professeur. De la maison
                 Il ne restait plus grand-chose ;
                 Je l'ai sorti vite à cause                           540
                 Que s'approchaient les moldus.
                 Quand on passait au-dessus
                 De Bristol, le petit ange
                 S'est endormi dans son lange. »
Dumbledore et McGonagall dévisageaient
Le garçon assoupi que les linges couvraient.
Sous ses cheveux de jais s'inscrivait dans sa chair
Une curieuse entaille évoquant un éclair.
« Est-ce là... ?
                 – En effet. Il aura cette empreinte
Pour toujours.
                 – Ne l'enlèverez-vous pas ?
                                                  – J'ai crainte            550
Que vous me flagorniez encore, Minerva ;
Mais si je le pouvais, je ne le ferais pas.
Pour profondes qu'elles soient, nos pires cicatrices
Savent avec le temps se montrer bienfaitrices.
J'en ai une au genou qui creuse le tracé
Du métro londonien avec fidélité.
Enfin ! Donnez-le-moi, Hagrid – il faut s'y mettre.
                 – Professeur... Je peux peut-être
                 Lui dire au revoir avant ? »
Dumbledore avait pris entre ses bras l'enfant.           560
Hagrid pencha vers lui sa tête colossale
Et en l'égratignant de sa barbe inégale
Il posa sur Harry un revêche baiser
Puis poussa brusquement un cri de chien blessé.
« Mais enfin, chut, Hagrid ! Vous réveillez la rue ! »
Souffla McGonagall à la plainte incongrue.
                 « Pardon, pardon... C'est affreux...
                 Lily, James... morts tous les deux !
                 Et le petiot qu'on envoie
                 Dans une maison sans joie                       570
                 Vivre parmi les moldus !
– C'est triste, mais moins fort ! Nous serons entendus. »
Elle parlait tout bas et avec prévenance
En tapotant des doigts le bras de l'homme immense.
Dumbledore enjamba le muret du jardin,
Marcha jusqu'à la porte et posa l'orphelin
Prudemment sur le seuil. Près de lui, une lettre,
Seule bénédiction qu'il pouvait lui transmettre.
Ils restèrent tous trois silencieux un moment
À regarder l'endroit où reposait l'enfant.                   580
Hagrid tremblait, secouait ses épaules massives ;
Les prunelles d'azur d'ordinaire expressives
De Dumbledore avaient pris un éclat de deuil ;
McGonagall clignait furieusement de l'œil.
« Allons, » reprit enfin Professeur Dumbledore,
« Notre devoir est fait. Nous pouvons joindre encore
Les fêtes célébrant le succès d'aujourd'hui.
                 – Ouais. Professeurs, bonne nuit.
                 Je vais garer la bécane
                 Avant qu'un voisin me damne. »              590
D'un geste de sa manche, Hagrid sécha les pleurs
Dont sa voix avait tu de son mieux les couleurs.
Il enfourcha l'engin et un coup de sa botte
Fit rugir le moteur : aussitôt, le pilote
Disparaissait au loin dans les hauteurs du soir.
« Professeur, avant peu j'espère vous revoir. »
Minerva se moucha plutôt que de répondre.
Dumbledore tourna les talons pour se fondre
À nouveau dans la rue et sa sombre torpeur.
À nouveau, il sortit le déluminateur :                        600
En un clic, douze éclairs recouvrirent leur place,
Illuminant Privet sur toute sa surface.
La soudaine lueur orange révéla
Le pas furtif d'un chat tigré qui s'éclipsa.
Dans un dernier regard pour ses hontes futures
Il souhaita bonne chance au tas de couvertures
Où reposait, blotti, serein, le nourrisson,
Puis disparut. Le vent caressa d'un frisson
Les haies entretenues de la rue silencieuse.
Tout dormait ce soir-là dans Privet harmonieuse,     610
Dernier endroit au monde où croire au merveilleux.
Harry Potter remua mais n'ouvrit pas les yeux.
Une petite main se ferma sur la lettre ;
Il dormit, ignorant de ce qu'il pouvait être,
Sans se savoir promis à la célébrité,
Sans savoir son exploit connu du monde entier,
Sans savoir qu'au matin l'éveillerait sa tante
En le découvrant là dans un cri d'épouvante
À l'heure de sortir les bouteilles de lait,
Sans se douter non plus que son cousin Dudley       620
S'attacherait bientôt à le tordre et le mordre...
Il ne pouvait savoir que de nouveaux mots d'ordre
Dans le décor feutré d'occultes réunions
Passaient de voix en voix comme des confessions
Et sonnaient le doux chant de la fin de la guerre
À chaque tintement de verre contre verre :
À sa santé, à lui qu'on a tant attendu,
Harry Potter, le Garçon qui a Survécu !


dimanche 15 avril 2012

L'Adieu aux armes


Je ne crois pas pouvoir vous expliquer pourquoi.
C’est en la pourchassant que vous saurez l’histoire ;
C’est en la bannissant que la période noire
S’ouvrira devant vous, et que sous votre doigt
Se tracera le sens nouveau de chaque loi
Dont vous demeurerez la vivante mémoire.

Pour conduire un pays à sa libération,
Le héros sait qu’il doit éviter la romance
Qui veut chercher d’où vint la première offense
Ou ce qu’implique chaque élan de rébellion.
Vous, héros, négligez l’excuse et le talion,
Et en votre unité placez votre confiance.

Si vous êtes l’armée que vous m’avez dédiée,
Dans un mystère rien n’est si facile et creux
Que vous attendiez d’un espoir paresseux
Qu’un autre veuille bien vous en donner l’idée ;
Et puisqu’on sait l’énigme à votre vie liée
Céderiez-vous la vie pour arracher l’aveu ?

À cette lâcheté préférez être en tort.
Et si vous n’êtes rien sans savoir qui vous êtes,
Il faut que chaque pas sur ces routes secrètes
Soit autant contre vous que contre le dehors.
J’en appelle à l’orgueil qui lie les rouge et or :
Qu’entre vous seulement se répondent les dettes.

Regardez-moi : j’ai su ! Qu’y gagnai-je, sinon
Pour chaque connaissance une nouvelle ride
Et pour chaque avancée vers la clarté solide
Plus de renoncement au tranquille abandon
Dans les chaleurs du doute et de la déraison
Qui aident le chercheur à se sentir moins vide ?

Peut-être me trompé-je, et ce savoir peut-être
Aura raison de vous de s’être fait attendre ;
Mais vous êtes toujours trop jeunes pour entendre
De ma voix les secrets qui vous auront vus naître
Au milieu du combat qui fera disparaître
Beaucoup de vos amis et de votre âge tendre.

Des fins que je connais, laquelle définir
Comme aurore du sort qui ce soir vous enrôle ?
Je n’en suis pas capable, et ce n’est pas mon rôle :
Tant d’années à choisir quel côté soutenir,
Plus encore à trancher de quoi me repentir,
Pour qu’à ma mort enfin je feigne le contrôle ?

Non, non, vous n’apprendrez que fuir ou que choyer
D’aucun fragment de moi qui dans ce monde reste :
Cette vie épuisée d’un pouvoir qui l’infeste
Et qu’elle a répandu pour ne pas l’employer
Saura bien maintenant se laisser déployer
Mais n’esquissera pas elle-même ce geste.

Tous savent ma puissance et peu savent son prix.
Quand, à ce que je crois sacrifiant ce que j’aime,
Je résiste à l’envie de polir une gemme
À mon front décoré de ce que j’ai appris,
C’est qu’en votre silence est muré mon esprit
Depuis que du remords j’ai subi le baptême.

Je trône au milieu du combat pour toujours.
Je le vois graviter sans pouvoir le rejoindre ;
Parfois, j’y lance un sort ou un mot qui font poindre
En vous l’amour envers la force de l’amour.
J’ai d’autant plus crié que j’étais déjà sourd…
À mon nom vous lierez mon mensonge le moindre.

Même en chantant tout haut cette force profonde,
Je ne peux qu’augurer d’horizons victorieux :
Faute d’avoir compris que tombaient sous mes yeux
Par deux fois les premiers grands esprits de ce monde,
Je serai mort avant que la prophétie fonde
Un futur pour lequel je suis déjà trop vieux.

L’histoire ne dit pas pourquoi Ollivander
Prit un peu de Fumseck pour faire vos baguettes,
Achevant d’enlever de mes mains toutes prêtes
Un pouvoir épargné pour un monde meilleur,
Et à celles de Tom et de Harry Potter
Laissant mon seul ami, ma force, et mes défaites.

C’est pour le mieux, bien sûr. Je ne suis plus certain
De savoir distinguer une paix d’une guerre
Quand pour la paix cerner mon cœur a dû se taire.
Les triomphes amers font le guide importun ;
Vous le savez depuis que de mon sang s’est teint
Le tranquille destin qu’on vous promit naguère.

Je ne regrette pas de manquer la bataille
Qui abandonne enfin les choses en l’état
Après que ma jeunesse à changer s’entêta
– À changer ce que veut dire vivre ; une entaille
Sauvant l’homme de l’homme et de la valetaille
Au cœur d’un temps trop fou pour qu’on s’y reflétât.

Avouez qu’aujourd’hui le règne des ténèbres
Vous force à vivre ainsi que vous le voudriez.
Les foules voient en vous trois nobles guerriers
Défenseurs de ce temps d’avant qu’elles célèbrent,
Et discernent autant les menaces funèbres
Dans l’envie de nouveau que dans les meurtriers.

Je n’avais pas le cœur à tant d’ordre, à votre âge !
Je cherchais à bâtir, loin du vertige ancien,
Un paradis régi par le souverain bien
– Et j’en étais capable ! Et c’était là l’outrage !
Je pouvais tout à fait balayer de ma rage
Les idéaux caducs, et imposer le mien !

Soudain, en m’élevant, je me suis… ébloui…
Pour une perfection par nous deux caressée
Je rêvais des millions l’armature affaissée ?
Et croyais, une fois le doute évanoui,
Éveiller en chaque être un moi-même enfoui ?
Ariana, ma sœur, de quel amour blessée…!

Vous trois saurez les rendre à la voie qu’ils vous somment
D’emprunter avec eux, à leur demi-sommeil.
Grâce à vous s’ébattront sous le même soleil
Le mièvre et l’impotent, les sorciers et les hommes,
Sans jouir de l’énergie qu’en face d’eux consomment
Ces impies si plaisants aux vices sans pareil.

Pour cela, – pour garder le droit de se cacher,
Pour accueillir sa mort et chérir ses barreaux,
Pour aider le vulgaire à crier ses haros
Et défendre des gens si prompts à se coucher
Qu’ils ne regardent pas ce qui vient les faucher, –
Il vous faut une audace étonnante, héros.

Par chance, le vieux fou seul avec son renom
Ne vous reconnaît pas sa morgue désinvolte.
Il lui manquait au jour d’abattre la récolte
La force nécessaire à ne plus dire non ;
Réjouissez-vous, Trio, saintes chairs à canon !
Vous n’êtes révoltés qu’enfants de la révolte.

S’ajoute à la terreur de celui qui s’endort
Au moment d’achever cette dernière lettre
L'absence de conseils ou d’armes à transmettre.
Ce déluminateur, ce livre, ce vif d’or,
Et l’épée enchantée de Godric Griffondor
Éclaireront au moins de quoi se rendre maître.


Message découvert au dos du testament d'Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore (1881-1997) Ordre de Merlin, première classe, Enchanteur-en-chef, directeur de l'École de Magie et de Sorcellerie de Poudlard (1955-1993, 1993-1996, 1996-1997), fondateur de l'Ordre du Phœnix, Président-Sorcier du Magenmagot, Manitou suprême de la Confédération internationale des mages et sorciers. Manuscrit consultable au Département des Archives du Ministère de la Magie, Whitehall, Londres.

jeudi 26 juillet 2007

la fin du monde était hier

Le jour de la récente Apocalypse, peu après l’aube, j’ai traversé les places de la Ville Rose avec appréhension, vacillant sous le poids ensommeillé de mon empressement, mon chemin de croix encouragé par l’enthousiasme d’un soleil qui se promettait bientôt cuisant. J’ai fini par atteindre, presque sans égarements, une petite échoppe anglaise, pour y extorquer un Septième Testament – ne m’étant pas montré capable d’attendre quelques heures supplémentaires pour recevoir l’exemplaire que j’avais préalablement commandé.

Le temps de rentrer à perdre haleine dans les ruelles dangereusement désertes et de trouver de quoi nourrir le Toulousain peu matinal, je me suis affalé, j’ai pris mon dernier souffle de ce monde et j’ai ouvert le livre.

Je suis prêt à jurer sur toutes les Reliques Mortelles qu’à la seconde précise où j’ai posé les yeux sur la page de garde, là où la dédicace anagrammait la cicatrice en forme d’éclair, le ciel a tremblé, et un éclair, justement, a transpercé la pièce.

L’orage a duré toute la journée…

J’ai lu, concentré, plongé, mais avec le Toulousain si près de moi, disons que je ne pouvais m’empêcher d’émerger toutes les deux ou trois pages : la lecture m’a pris quatre jours ouvrables.

J’ai éclaté de rire presque exactement toutes les vingt-cinq pages, le livre est calibré comme un épisode de Friends. Les scènes de danger soudain et de repos anxieux sont également habilement distribuées, plus ou moins équivalentes… J’ai moi-même régulièrement alterné les « oooh trop bien » et les « JE LE SAVAIS ! ». J’ai pleuré pages 544 et 552, et presque page 512, mais pas page 596 parce que bon hein, faut pas déconner.

Finalement, j’ai achevé l’ultime phrase et ses trois mots ridicules mercredi, vers les six heures du matin, pour refermer la couverture à peu près en même temps que ma valise. Le dernier tome, mon séjour et mon enfance étaient finis ; les adieux furent simples, faibles.

Et il ne resta plus que le dos du volume, cette lune pleine et ronde illuminant la façade du château d’une pâleur bleutée, cette dernière nuit, froide et sans étoiles, noire et claire, et cette dernière étrange et chaleureuse lueur qui s’échappe de la porte béante du château, vers on ne sait quel futur ouvert à tous les vents…


mardi 17 juillet 2007

Goncourt déchantant

Ceci est la participation de l'emo de service au déjà célèbre concours de chatons organisé par mon blog préféré.


Plus emo tu meurs, chaton du jour, Harry Potter.
A ses côtés, Draco Malfoy, son copain (si si), chaton aussi. Le tout en pâte Fimo© au four et tout.

C'est-y pas cromeugnooooon ?



samedi 14 juillet 2007

"...SEPT JOURS..."

Plus que sept jours avant
la fin d'une ère
la fin d'un univers
la fin d'une légende
la fin de mon enfance
la fin d'un mythe
la fin d'un mytho
la fin de Harry Potter.

En attendant je passe le week-end dans ce trou perdu familial qu'est Le Touquet, esquivant par là même et sans le faire exprès les grandes chaleurs que j'avais tant attendues.
Je me suis consolé hier soir en chateaubriant allègrement, à pied dans la forêt, la nuit à peine tombée, l'ouïe écrabouillée par Roulette, Boom! et Question!, quelques-unes des meilleures chansons de System ; et sur cette bande-son écartelante, mon esprit vagabondait vers un rêVVyé dans mes règles de l'art, j'avais la prestance et la puissance d'un épisode de Heroes tourné dans le Marais avec les effets spéciaux de la Warner Bros., j'inondais d'amour et de sang à tour de bras et d'épée des visages connus et vagues, je tranchais les coeurs et les trachées et je me montrais encore immortellement dangereux.

Un autre élan passionnel et fusionnel envers mon iPod.
Dans sept jours, mon enfance sera terminée, mais il restera la musique.


Ah oui, et juste histoire d'avoir la classe, à chaque épisode de Heroes achevé, je lis le chant correspondant dans l'Enfer de la Divine Comédie. C'est gratuit, c'est idiot, c'est classe, j'adore.

Edit : petite précision, à la demande générale de l'ensemble de mes fans (un ensemble très unifié d'ailleurs) : le "chant correspondant", ça veut juste dire le chant qui a le même numéro que l'épisode. Je ne suis pas tout à fait persuadé que les scénaristes s'inspirent de Dante...
...quoique, c'est blogable.