jeudi 27 septembre 2007

À consommer de préférence avant hier

TROP TARD.

Depuis une minute précisément, oui évidemment j’ai triché sur l’heure, votre serviteur est périmé, ne vaut plus rien – si tant est qu’il eût jamais valu quelque chose, oups il eût mieux fallu que je n’introduisisse pas de subjonctif, maintenant le grand vainqueur du Picto Patato chez Obion va plus vouloir me souhaiter une joyeuse péremption, tant pis trop tard aussi.

Non mais sérieusement, mon enfance est terminée depuis un bout de temps, mais là pour la première fois de ma vie, je me sens vieux. Quoique pas tellement vieilli, mais périmé : dix-huit ans, c’est tellement vide, convenu, tout le monde a dix-huit ans, et j’ai beau adorer le 8, le 18 est le contraire de l’infini. Si exact si distinct si peu distingué. Si formel, informe, surfait, évident. Dix-sept c'est impair, c'est autotélique, c'est premier ! Dix-sept c’est le serpentement sybarite au sein de la stricte esthétique, la distraite satisfaction des cicatrices de l’adolescence, la secrète certitude de l’estime astrale ; et là destitution, ostracisme. Dix huîtres : c’est visqueux, c’est hésitant, dix-huit c’est féminin en plus.

Et ça c’est censé tomber sous le sens mais c’est assez pour encenser des tombes : dix-huit c’est l’âge des responsabilités. On est jeune on est fou, on est plein de liberté physique à expérimenter, mais peut-être que je préfère en avoir le cœur pas net. Et oui je sais je dois apprendre à conduire, à me repérer, à voter, mais j’ai la khâgne en ligne de mire, j’ai trop à lire, j’ignore la lyre puisque j’aligne les rimes loin d’être dignes, alors je crois qu’encore une fois je vais remettre mon courage à demain.


Hm, pas trop de regrets cependant. C’est vrai, j’ai retrouvé toutes mes photos des dernières vacances : je n’ai été ni un joli gosse, ni un préado baisable, et encore moins un ado stylé, finalement c’est peut-être la moins pire des phases, même si elle s’annonce avec une acoustique regrettable. Trop tard, tant pis. C’est moins anodin pour ceux qui ne peuvent plus consommer sans dégoût au regard de la date limite de fraîcheur – de toute façon j’ai fait vœu de chasteté forcé. Je me demande jusqu’où je pourrais aller d’ailleurs, mais comme pour la clope, je suis pas sûr qu’il soit astucieux de profiter de la prépa pour arrêter la masturbation.

J’ai l’esprit tout embrumé, embué, obstrué par un grand vide, à force de trop réfléchir, Victor Hugo m’a brûlé autant de neurones qu’il a fait de vers, et dans mes dissertes j’ai du mal à ne pas écrire en ancien français ; alors je vais attendre octobre, le mois du 8 bien qu’il soit le dixième, pour réflexionner sur des trucs intéressants… comme le vide, justement, ou bien le nombre de mes amours qui s’enfle tant qu’il rattrape celui de mes œdipes, ou une playlist classieuse comme en font les gens classieux, ou des jeux de mots idiots mais littéraires, ou un tas de listes stupides.

dimanche 23 septembre 2007

deejay deejay


DOM JUAN

Et bien, je te donne la liberté de parler, & de me dire tes sentimens.

SGANARELLE

En ce cas, Monsieur, je vous diray franchement que je n’approuve point vostre methode, & que je trouve fort vilain d’aimer de tous costez comme vous faites.

DOM JUAN

Quoy? tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour luy, & qu’on n’ait plus d’yeux pour personne? La belle chose de vouloir se picquer d’un faux honneur d’estre fidelle, de s’ensevelir pour toûjours dans une passion, & d’estre mort dés sa jeunesse, à toutes les autres beautez qui nous peuvent frapper les yeux. Non, non, la constance n’est bonne que pour des ridicules. Toutes les Belles ont droit de nous charmer, & l’avantage d’estre rencontrée la premiere, ne doit point dérober aux autres les justes pretentions qu’elles ont toutes sur nos cœur. Pour moy, la beauté me ravit par tout où je la trouve ; & je cede facilement à cette douce violence, dont elle nous entraisne ; j’ay beau estre engagé, l’amour que j’ay pour une belle, n’engage point mon ame à faire injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le merite de toutes, & rends à chacune les hommages, & les tributs où la nature nous oblige. Quoy qu’il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je voy d’aimable, & dés qu’un beau visage me le demande, si j’en avois dix mille, je les donnerois tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, & tout le plaisir de l’amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à reduire par cent hommages le cœur d’une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrés qu’on y fait ; à combatre par des transports, par des larmes, & des soûpirs, l’innocente pudeur d’une ame, qui a peine à rendre les armes ; à forcer pied à pied toutes les petites resistances qu’elles nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur, & la mener douvement, où nous avons envie de la faire venir. Mais lors qu’on en est maistre une fois, il n’y a plus rien à dire, ny rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est finy, & nous nous endormons dans la tranquillité d’un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos desirs, & presenter à nostre cœur les charmes attrayants d’une conqueste à faire. Enfin, il n’est rien de si doux, que de triompher de la resistance d’une belle personne ; et j’ay sur ce sujet l’ambition des Conquerants, qui volent perpetuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se resoudre à borner leurs souhaits. Il n’est rien qui puisse arrester l’impetuosité de mes desirs, je me sens un cœur à aimer toute la terre ; & comme Alexandre, je souhaiterois qu’il y eut d’autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquestes amoureuses.



On sait que Dom Juan est un grand frigide, puisque contrairement à tout mec lambda, il s’intéresse moins à l’accomplissement qu’à la méthode. En somme, un pur esprit. Oui, oui, ou un homosexuel refoulé, mais qu’il est triste de ne voir que cette raison à ses tergiversations libidineuses ! Pourquoi pas un véritable amoureux de l’amour, un sans cesse séduit, un passionné de l’instant, un émerveillé paroxystique ? D’aucuns (encore et toujours lui) s’éprennent de l’importance d’être constant ; mais Dom Juan a raison de ne voir en la constance que mensonge – qu’est-ce sinon la tyrannie de la première venue ? Dom Juan, démocrate de l’amour ! Et dans la constance, même épisodique, plus d’attente : plus de cette frustration effrénée qui fébrilise toute passion, ce frétillement impétueux du balancier avant qu’il n’atteigne son plus haut degré ; et quand bien même la constance serait ce plus haut degré, Dom Juan et moi vous le laissons,
parce qu’il n’est rien de pire que de se savoir accompli,
parce qu’il est impossible de croire en l’accomplissement,
et parce qu’à quoi sert de connaître tous ces jeux d’entrechâssements de courses et d’attentes, si c’est pour les survoler les éluder et ne pas les étudier, ne pas les vivre enfin ? car le pur de l’amour, c’est la peur de la mort.

Le bonheur n’entre pas en ligne de compte, dans le dom juanisme. La volonté de puissance non plus, quoiqu’il soit facile de l’en rapprocher, et de la mettre en parallèle avec certaines de ses paroles les plus célèbres. On a tort de donner son nom aux séducteurs, qui sont éternels possesseurs : Dom Juan est moins séducteur qu’éconducteur, et loin de l’état d’esprit du possesseur. Dom Juan offre, parce que Dom Juan est amour, Dom Juan se déverse…

Heureux les amoureux, car le royaume des cieux leur est connu ! ; heureux soient-ils de connaître ce qui peut être perdu ! Heureux les sceptiques de l’amour, car il leur est encore permis d’espérer ! ; et oui, peut-être ceux dont le blindage pèche face aux vicissitudes circonvolutionnesques des faiblesses sentimentales sont-ils les plus purs, et les plus crus, et les moins croyants.

Dom Juan aime, plus que tout plus que tous, il est donc il aime, il aime donc il panse et cajole et adore avec mille précautions tous ces objets de passion, et tous avec cette sincérité déroutante, inexplicable. Amoureux, il l’est réellement, il ne sait faire que ça, mais est-ce sa faute si aucune n’est capable d’appréhender cet oubli de soi jusqu’à l’oubli du corps ? est-ce sa faute si pour toutes, la possession physique est l’ultime aboutissement, le seul qui fasse foi, le suprême don, alors que lui n’est que don, et partant n’en a que faire ? est-ce sa faute enfin si elles tentent tant l’absolue conquête, si elles désirent plus que tout la possession de cet insaisissable, qui ne demeure insaisissable que parce qu’il ne sait que s’offrir ? Laquelle a jamais compris que dans l’amour à deux il n’y a qu’amour de soi, et que Dom Juan s’offre trop infiniment pour se chercher dans les yeux qu’il croise et éblouit ? Laquelle a jamais saisi que si jamais elles ne l’auront jamais tout à elles, elles l’auront pourtant tout entier ? Le nom de Dom Juan est devenu l’absolu opposé de ce qu’il signifiait – ce magnifique qui péchait par défaut d’égoïsme…

Il y a peu de lui au Christ. Plus encore : tandis que le Christ enseigne, ordonne, Dom Juan se saigne et donne, sans prétendre détenir solutions ni satisfactions. Il laisse les conclusions survenir, les choses arriver, et répugne à perdre son temps en préceptes et explications lorsqu’il peut tenter de propager ses amours. Peu s’en faut que le libertin n’appliquât (*) ce que le libérateur théorise ; mais l’affirmer serait oublier que Dom Juan n’en a probablement pas conscience – il lui faudrait pour cela réfléchir sur lui, donc se centrer sur soi – et qu’il suit certainement en cela son désir (son besoin ?) de déversement de son trop-plein d’amour.

Dans la pièce, il est manifestement plurisexuel ; on le verrait aujourd’hui facilement bisexuel, et plus justement encore omnisexuel, puisque pourquoi cet être frontiériserait-il ses penchants (penchants parce qu’il s’y penche pour s’y déverser) ? Mais je préfère encore le voir sexuel, juste sexuel, simple sexuel et sexuel frigide. On reconnaît d’ailleurs dans ses tirades d’éloges émerveillés quelque chose de la considération esthétique de l’homosexuel face à une belle femme. Désintéressé – bien que ce terme ôte à Dom Juan toute la passion de sa quête : il n’est justement que ce miroir voyageant aux bords des routes et qui éclaire de mille feux les beautés qu’il peut refléter, et tout ce que ses rencontres ont d’intérêt – en elles-mêmes. Oui, il se voit Alexandre, se voit voler de cœur en cœur, mais c’est parce que, loin de les vouloir avoir, il veut les faire briller.

(*) ceci n'est pas une faute

jeudi 13 septembre 2007

Panélégyrique

C'est bien la khâgne, les profs sont juste assez intéressants pour qu'on s'endorme pas, et largement assez lents pour qu'on ait le temps de s'occuper en poétisant distraitement. Dernière production donc : un petit sonnet terminé en une dizaine de jours.

Comme j'étudie dans la seule filière où l'on entend le terme "hapax" plus de cinq fois par semaine, je connais tout bien par c
œur les codes de la versification et donc je sais que c'est un sonnet semi-shakespearien en alexandrins mais à tercets irréguliers à rimes alternées et embrassées dont la dernière masculine augmentée et la dernière féminine équivoquée et rimes brisées suivies. Et quand on sait ça, on est vachement content.

Non sérieusement, je l'aime bien ce sonnet, il a un système de sons, de rimes, de rythme et de jeux de mots particulièrement abouti, j'en suis plutôt fier.


Panélégyrique

Si la plainte est facile, l'élégie l'est moins.
Vos larmes versatiles vaudraient Lamartine
Quand son mal émouvant s'entremêle en collines
Tout en chateaubriant sur les vallons au loin ?

Ce qu'hélas votre peine à peine scandée tresse,
Lorsque votre cœur saigne un lyrisme estrophié,
C'est couché par écrit, ou plus souvent rampé,
Qu'on le trouve fleuri aux lieux où l'idée cesse.

Pérennité volage de vos pâles nuits,
Irréparable outrage aux cimes des abîmes,
Dans pas un des neuf cercles votre œuvre ne luit ;

Face aux Ennuis des siècles vous n'êtes qu'ennui ;
Aux pensées exotiques vos fleurs bleues s'abîment ;
Vos artistocratiques vues font qu'on vous fuit.

vendredi 7 septembre 2007

rechute et retombées


Juste un message pour dire que je suis heureux


dimanche 2 septembre 2007

Incinérez Zarathoustra

Si le nietzschéisme est tellement à la mode qu'il en devient vulgaire, c'est parce que ce bon vieux Friedrich est un génie farabuleux, vous dites-vous en vous-mêmes, jeunes lecteurs à l'oeil fou. Mais c'est aussi parce que Nietzsche, c'est un grand malade. On n'imagine pas à quel point ça peut donner n'importe quoi.

Pour vous en convaincre, voici quelques extraits de son Zarathoustra, de la quatrième partie plus précisément, celle où manifestement, il s'est lâché.

*

Zarathoustra, faut pas le faire chier : « Arrête de clapoter à ce propos, espèce de nuage de pluie en pleine matinée ! »

*

Comme beaucoup de prophètes errants, Zarathoustra a une façon particulière d’exprimer sa joie : « Qu’est-ce que je viens d’entendre? répondit Zarathoustra : quelle sagesse pour des rois ! Je suis ravi, et en vérité ça me donne envie de faire quelques petits vers là-dessus. »

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Et Zarathoustra continua son chemin pensivement, s’enfonçant toujours plus profondément et plus loin dans les forêts et le long de fonds marécageux ; mais comme il arrive à qui pense à des choses difficiles, il marcha par mégarde sur un homme. (Ah oui moi aussi c’est pareil, quand je réfléchis je me retrouve toujours à marcher sur des gens.) Et voyez, un cri de douleur, alors, deux jurons et vingt graves insultes lui jaillirent au visage : de sorte que dans sa frayeur il leva son bâton et frappa encore celui sur qui il venait de marcher (normal). Mais aussitôt il retrouva ses esprits ; et son cœur rit de la folie qu’il venait de commettre (il a un humour un peu spécial, Zarathoustra, les prophètes en fait ils se tordent de rire devant Vidéo Gag).

« Pardonne-moi, dit-il à celui qu’il avait heurté et qui s’était levé plein de colère et s’était assis : pardonne-moi et écoute d’abord une parabole. » (Heureusement que Zarathoustra il se balade en forêt et pas en banlieue, parce que un wesh qui t'agresse après que tu l'as poussé, tu lui dis "jeune ami, avant de me racketter, écoute donc une parabole", il va croire qu'en plus, tu l'insultes)

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Dans ce nouvel épisode, Zarathoustra rencontre Lord Voldemort : «Qui es-tu donc ! s’écria le vieux magicien d’une voix pleine de défi, qui a le droit de me parler ainsi à moi, le plus grand qui vive aujourd’hui ? » - et de ses yeux un éclair vert jaillit en direction de Zarathoustra. (AVADA KEDAVRA)

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Un exemple de remarquable trait d'humour nietzschéen : « Pour parler entre trois yeux, dit le vieux pape, devenu gai (car il était aveugle d’un œil) […] »

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Mais comme le chemin tournait autour d’un rocher, le paysage tout à coup changea et Zarathoustra entra dans le royaume de la mort lequel est comme chacun sait habilement camouflé derrière un rocher. Paye ta transition.

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Le mendiant volontaire dégoise : « Populace en haut, populace en bas! Qu’est-ce que c’est aujourd’hui « pauvre » et « riche » ? Cette différence, je l’ai désapprise, – alors j’ai fui, loin, toujours plus loin, jusqu’à venir auprès de ces vaches. »
Ainsi parla le débonnaire (qui longtemps s’était couché) (pardon), et il se mit lui-même à souffler et à transpirer en disant ces mots : de sorte qu’à nouveau les vaches furent frappés d’étonnement (c’est vous dire l’ambiance).

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Zarathoustra, 58 ans, diététicien : « Tu me sembles plutôt homme à te nourrir de plantes et de racines. Peut-être écrases-tu des graines. Certes, tu es ennemi des joies carnivores et tu aimes le miel.
- Tu m’as bien deviné, répondit le mendiant volontaire, le cœur soulagé. J’aime le miel et j’écrase aussi des graines car je cherchais ce qui a bon goût et qui rend l’haleine pure (eh oui en fait ce chapitre c’était la pause pub pour Ricola)

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Le mendiant volontaire, il sait parler aux prophètes : « Toi-même tu es bon, et meilleur encore qu’une vache, ô Zarathoustra !
- Va-t’en, va-t’en ! vil flatteur ! cria Zarathoustra plein de colère, que me gâtes-tu de telles louanges et d’un tel miel de la flatterie ! »

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L'ombre : « Je suis un voyageur qui a déjà beaucoup marché sur tes talons : toujours en chemin, mais sans but et sans domicile : et peu s’en faut que je ne sois l’éternel juif errant, sauf que je ne suis pas éternel et pas non plus juif. » (C’est malin)

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Zarathoustra reconverti en emo des bois : « Que m’arrive-t-il ? Silence ! Quelque chose me pique, – ô douleur – au cœur ? au cœur ! Ô brise-toi, mon cœur après un tel bonheur, après un tel coup !
– Comment ? Le monde ne vient-il pas d’atteindre sa perfection ? Rond et mûr ? Ô cercle d’or, cerceau – où s’envole-t-il ? Vais-je lui courir après ! Passé !
Silence… » (et ici Zarathoustra s’étendit et sentit qu’il dormait). (Il est très fort)

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Et puis des fois, Zarathoustra a vraiment l’air nazi : « Ce qu’il y a de meilleur me revient à moi et aux miens ; et si on ne nous le donne pas, nous le prendrons : la meilleure nourriture, le ciel le plus pur, les pensées les plus fortes, les femmes les plus belles ! »
Ainsi parlait Zarathoustra ; mais le roi à droite lui répondit : «Comme c’est curieux, a-t-on jamais entendu de telles choses aussi astucieuses sortir de la bouche d’un sage ? »