mercredi 4 novembre 2009

Mise en mots d'évidences

Morceaux choisis du moleskine bleu qui m’a été offert au Noël dernier par Black Sharne – ce carnet qui, comme on sait, fut le support et l’ami cher à Hemingway, Van Gogh, Aristote et Buster Keaton, et qui par conséquent ne peut manquer de déposer sur mes inspirations un scintillant voile de génie. On remarquera, dans ces fragments qui couvrent presqu’un an, collectés dans une autre crise de rétrospectivite, que mes préoccupations ne s’envolent pas hors de certaines angoisses. « De l’impossibilité théorique de vivre » y rentre évidemment.



8 est mon chiffre, qui me place lorsque je le repère dans une plénitude semblable à celle que peut provoquer un alexandrin. Il y a d’abord ce chuintement, ce glissement de l’air par l’embrasure des lèvres, qui s’écrase soudain avant de se faire sifflement contre la barre du T et choit dans le silence comme un instant satisfait. Ce n’est pas la rotondité, la parfaite symétrie du huit qui comble, mais cette double adéquation, d’une part entre les deux ovales s’efforçant de rouler et le cercle de la diphtongue, d’autre part entre l’intersection sacrilège mais angulaire et la consonne inopinée qui vient sourdre et finir la stridence. La beauté jaillit de cette symétrie synesthésique, dépassant celle, solitaire, des coins de la flèche du 7. Cet amour vient de Pratchett, chez qui le huit a, au sens propre, une couleur ; il me semble que le goût pour une chose aussi abstraite qu’un chiffre, contrairement à ce que cette justification sensorielle pourrait parvenir à prouver, vient toujours d’une référence, d’un souvenir, d’un goût, de ce qui doit équivaloir en termes de vie à l’intertexte. Ainsi des nombres impairs, en particulier du 5 et du 7, appréciés d’un côté du continent pour Verlaine et consorts, et de l’autre grâce aux haikus ou hokkus ou qu’en sais-je. Plus vagues et plus solubles dans l’air, paraît-il, ils répondent à l’exigence de simplicité de la vérité par cette légèreté revendiquée, et traduiraient par conséquent plus librement la formule de l’esprit qu’une cadence régulière tendant vers un rythme connu dangereusement circonscrivant. Il me semble que cette légèreté ne doit son universalité qu’à une subversion de la culture du rythme, et donc à une réaction connue au connu ; quoi qu’il en soit je ne trouve pas l’impair plus pénétrant ou moins assommant que son inverse, l’attendu ; s’il attire moins l’attention, le pair ne pénètre pas moins – il invite tout autant à rejeter l’artifice en propulsant au cœur de l’habitude que son contraire en y dérogeant : tous deux, ils peuvent faire oublier le commun, le connu, le déjà, et le reformuler.


*


Quand on lit trop de livres qui parlent de vies possibles, on ne peut s’empêcher de se demander quel type d’histoire on est en train de vivre. Mais quand l’esprit côtoie trop longtemps ce qui ne peut pas arriver, c’est pire encore ! on se demande sans cesse dans quelle histoire on est prêt à basculer, de quelle épopée fantastique nous sommes le commencement banal, et quelle cascade d’imaginations contient en puissance notre oubliable incipit.


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Il est aussi difficile que nécessaire de surprendre le lecteur. Parce que la profusion de tous les types d’ouvrages a multiplié l’utilisation de tous les types d’artifices, des subversions de ces artifices et des subversions de ces subversions ; parce que ces artifices sont aujourd’hui enseignés et compartimentés selon les grilles de l’histoire littéraire ; et parce que la littérature autrefois jalouse détentrice de ces artifices les a cédés au cinéma, à la télévision et aux illustrés, – le lecteur y est a présent habitué, ainsi qu’à leur mise en scène. Ainsi toujours égal potentiel de l’auteur, le lecteur sait suivre à l’avance la plupart des fils narratifs et toutes les possibilités plausibles de leurs diversions et divergences – et, c’est là le plus dangereux pour le démiurge, à la fois en particulier et en général : les catégories diégétiques sont connues, leurs tenants et aboutissants exégétiques leur sont chevillés, et chaque détail propre à un ouvrage peut être analysé immédiatement dans la cohérence d’ensemble de l’ouvrage (et de ce qu’elle promet) et dans la cohérence d’ensemble des possibilités narratives (et de celles qui sont promises).

J’ai dit « peut être » : en vérité l’habitude de l’habitude a changé les artifices de composition des trames narratives en stéréotypes fondateurs, à présent repérés aussi immédiatement qu’inconsciemment, parce que leur évidence est aussi une évidence. Il est inconfortable de noter qu’ils sont appliqués tout aussi peu consciemment, parce que même galvaudés – reconnus et sus galvaudés –, ces artifices n’en définissent pas moins ce qui fait une histoire : vivre cette histoire demande de les suivre, de suivre les possibilités qu’ils appellent et au-delà desquelles on ne peut pas franchement penser ni vivre quoi que ce soit. Ces artifices souffrent non seulement d’être trop repérés (ce qui nuit à leur force, à leur efficacité individuelle) mais surtout d’être repérés trop vite, voire à l’avance, avant qu’ils n’aient pu, ou se former, ou laisser leur place (ce qui nuit à leur flexibilité et à la possibilité même de la surprise).

Prenons en particulier l’exemple facile de la réaction du lecteur face à un événement important que le récit suggérait à l’avance et prévoyait longuement – un suicide, un meurtre, une apocalypse, des retrouvailles… Si la prévision ne se réalise pas, le lecteur pourra apprécier la qualité du rebondissement l’ayant conjurée, mais sera déçu que le livre n’ait pas dépassé ses propres doutes face à cet événement vers lequel se condensait la trame : n’ait pas outrepassé l’artifice connu du rebondissement conjurateur. Si elle se réalise, le lecteur sera surpris face à la subversion de la subversion de l’artifice annonciateur, mais sera déçu que l’on n’ait pas voulu le surprendre et qu’aucun rebondissement final ne soit venu bouleverser la trame si longtemps annoncée avant sa réalisation. Sans doute sera-t-il alors incapable d’apprécier les dernières pages, tout outré qu’il est de n’avoir pas été surpris. Mais surpris, il savait qu’il allait l’être, et ne pouvait donc l’être.

En résumé, formé par la fréquentation des textes, le lecteur se situe chaque fois devant eux, et devant lui le texte n’existe pas seul mais comme un reflet battant de tous les autres textes. Je ne déplore pas ici un âge de la littérature, que je ne crois changeante qu’en surface, mais un âge du lecteur : cette maturité bouffie de références qui voit le déjà-vu chaque fois qu’elle voit, qui ne peut plus se laisser absorber.

Le lecteur, ce me semble, ne peut être surpris que de trois façons : soit lorsqu’on le sème dans une intrigue foisonnante, qui noue les fils et leurs divergences entre eux et court-circuite leur suivi – mais cela requiert un considérable travail d’imagination ; soit lorsqu’il n’y a pas d’intrigue ; soit lorsque ce qui est annoncé (ou prévisible) se réalise, mais pas dans les circonstances attendues, ou pas avec les conséquences attendues, ou pas entièrement.


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Je ne sais si vraiment il s’agit d’héritage, mais il serait vain d’essayer d’ignorer le lien entre les paroles des chansons – qu’avec tant de beauté l’on appelle « lyrics » – et un certain genre de poésie moderne. Un vague thème est déployé, sur lequel le titre donne un indice ou une lecture, mais au fil de la musique les images et les formules se succèdent sans beaucoup de souci de syntaxe ou de cohérence ; de sorte que lorsqu’on prend la peine de les écouter (déjà en soi acte d’éveil à la beauté, bien moins libre dans la lecture, où sens et musique sont moins encore dissociables), il se fait souvent la place – à l’échelle d’une phrase, d’un couplet ou de tout le morceau ; du ressenti le plus ponctuellement personnel jusqu’au truisme soudain évident – pour une vérité qui nous point, et que la commerciale disponibilité des mots qui l’entourent ne disqualifie pas vraiment, donnant à la chanson tout une couleur philosophique, – laquelle couleur s’ancre encore dans la jouissance de l’esprit, d’une part en ce que la synesthésie permet de convoquer comme sensations immédiates plus intensément que la graphie abstraite d’une page, d’autre part en ce que nous nous imaginons être à l’origine de la trouvaille, et nous sentons comme découvreurs au-delà du connu.


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Lexique.

Connu : vis-à-vis duquel il s’agit de se situer.

Inconnu : expérience de pensée forgée à partir du connu.

Non-connu : malaise lorsque le monde échappe à toute appréhension actuelle ; se traduit par une fuite loin du connu par les moyens de pensée du connu.

Inconnaissable : postulat « euclidien » (évident, nécessaire et sans preuves) fondant tout connu.


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Il est facile de faire de la vie de Jésus une histoire vénale. Je me suis fait homme, proclame-t-il : voyez ! vois ! j’ai vos sens, vos douleurs, votre souffrance, vos peurs. Ce que J’avais créé, je le vis à présent. Oui, je le vis, réellement Je ne suis plus immortel !

Que je connaisse ce qui attend l’homme, et sache extraire de mon champ de vision les universels, est pure coïncidence. Je suis homme vous dis-je, comme l’auteur de la pièce joue le personnage principal! Je ne suis pas le metteur en scène, je m’en suis détaché ; aussi suis-je vraiment homme.

Bien sûr, il faut que je sois principal. Pourquoi apparaîtrais-je sur scène pour rester la servante muette, le machiniste. Je suis homme mais j’omets de dire qu’il convient pour cela que je sois l’homme, que le récit de mon existence circonscrive le paradigme, avec assez d’imprécisions pour rester toujours applicable et trop de précocité pour ne pas impressionner.

Je ne suis pas homme, je suis l’homme. Mais qui voit la différence ? C’en est fait, je vais mourir : voyez, je vais tous vous définir. Et l’homme ignoré de tous y compris de lui-même saura se définir dans ses plus soudains accès et sa chute la plus générale par rapport à moi et dans l’admiration d’une vie qui ne connut que l’admiration.

(Au dernier instant j’ai voulu ne pas mourir, par peur de la souffrance ou de perdre ce corps sensible si divin, mais je savais que dans les cœurs, je ne mourrais jamais, qu’aussi court que soit mon passage sur Terre au regard de l’éternité il ne manquerait pas d’y retentir et d’en changer le parfum – et peut-être est-ce depuis lors que l’homme ne peut plus vraiment songer mourir.)


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Les sept péchés de facilité :

Orgueil : Ostentation, Isolement.

Colère : Généralisation.

Avarice : Conceptualisation, Ineffable.

Luxure : Vulgarité.

Envie : Facticité, Entourage, Imitation.

Gourmandise : Duplication, Multiplication.

Paresse : Attente, Prophétie.


*


Regard sur le monde après le sexe qui suit une longue ascèse : ouverture à la vie comparable au réveil qui suit un long sommeil longtemps attendu et repoussé, dans une sphère essentiellement sociale, inaugurant des relations de séduction échappant à l’ordre du besoin, couplée à des modifications non négligeables des réactions strictement physiques. Sensations comparables au retour à la réalité après deux heures dans une salle de cinéma : se retrouvent des facultés que l’on avait complètement bien que temporairement oubliées.

Sentir qu’on est seul, qu’on plaît ou qu’on peut plaire puisqu’on a plu, qu’on est éveillé sans fatigue, qu’il n’y a plus de musique : sentir autrement le monde, et rester vaguement troublé que ce ne soit pas le monde qui ait changé.


mercredi 8 juillet 2009

De l'impossibilité théorique de vivre


Que moi, entre autres seuls, j'aie pu mettre en lumière
Les vaines distractions dont votre coeur comblait
Ses vanités, prouvait déjà qu'en fait de guerre
L'esprit nouveau s'élève en ce rien qu'on connaît.

On s'attache en changeant à toute conséquence...
Et puis le temps lassé laisse croire étranger ;
Chaque suite ou rupture est une révérence
Dans un cadre vécu à une éternité.

Quand nous aurions compris que nous sommes des hommes,
Faut-il qu'autant de Faust n'attendent qu'une mort ?
Dans la définition les présences assomment

Lorsqu'une éternité parmi d'autres on choisit
Car tout se vaut car rien ne vaut face à la nuit.














Mes vers ont l'habitude de résonner en moi comme s'ils annonçaient un courant, une période de pensée, plutôt que d'en résumer une ; c'est-à-dire qu'ils font naître la pensée qui les avaient cherchés pour se penser. Ce peut être, ceux-là, la matrice, métaphysique ou métalittéraire, de ma stagnation. Ici l'écrasante infinie bibliothèque, là l'infinie promesse de vide - l'être toujours en puissance que je suis ainsi également cerné par les étendues de la parole et du silence. Je sais que connaître cette position dérisoire est un signe et une condition de l'intelligence, et peut-être de l'empathie ; je ne sais pourquoi je suis le seul à en souffrir.

On ne peut rien, on ne peut pas choisir, car toute décision demande l'éternité, pour envisager la durable succession des conséquences jusqu'à leur évanouissement dans le nombre et la bâtardise, pour envisager s'assurer de l'effectivation du choix - en somme pour s'assurer de l'intérêt d'influencer à son échelle son propre destin. Avec la mort à l'oeil, tout choix de voie, tout choix de soi, ressemble au choix du côté où se pencher pour échapper au feu des balles. Chaque décision humaine est une acceptation que ses effets soient limités - dans le temps au sein de la vie humaine, dans l'espace au sein de l'espèce humaine ; chaque pamphlet se destine à l'académisme, ou y consacre ce contre quoi il s'élevait ; chaque subversion sait qu'elle sera retournée à son tour par la marche des pensées au fil de l'histoire ; chaque acte est vaguelette ; la puissance ineffectuée reste belle.

Ce n'est pourtant pas tant d'être emporté dans le temps avec l'infinité d'autres fétus infinis, mais que cette infinité me manque, qui m'effraye : c'est qu'elle m'échappe, qu'elle me soit donnée à voir et refusée à posséder, et que cette intouchable apparition soit définie et acceptée comme l'ingrédient primordial de l'histoire commune et personnelle.

Et je n'ai pas de rêves, car on demande au rêve de guider le chemin : si l'on sait que le chemin s'arrête, qu'il n'y a que des impasses, comment se projeter, comment vouloir, comment attendre, et quelle importance ? On espère, tout au plus.

Je m'entoure alors de solitudes qui peuvent penser l'être sans étouffer, d'odieux acceptateurs de l'état des choses, qui me font oublier que je ne l'accepte pas, et que je rejoins parfois, par le désir ou par l'alcool. Je les regarde, insondable, étonné, ne pas partager ma noirceur, je les vois évoluer parallèlement à moi, et de leur incompréhension sincère, du fait même que mon chemin s'effrite alors que le leur vaillamment se poursuit à côté en direction de sa chute, je déduis qu'il faut bien que cette douleur, contre toute attente, n'appartienne qu'à moi ; car sinon la paralysie serait la norme.

Naturellement, la différence se faisant distinction, je finis par tirer fierté et réconfort de cette noirceur, la fierté ridicule et forgée de mépris de l'esprit romantique pleurant, face à la lune, le trop et le trop peu, l'encore et le déjà, la cécité des hommes et la marche du monde.


jeudi 9 avril 2009

Varapente


Tout le monde s'en fout


D'un futur non-khâgneux l'errance ridicule
Saura faire oublier ses vers et ses erreurs
Dont il vit l'apparat et le peu de couleurs
Éclore au creux des voix résonnant en sa bulle

Bulle qu'il aurait pu mieux vivre ou mieux briser
Qu'en voulant façonner ses propres ergastules
Bulle qui fit de lui l'amoureux des formules
Que d'autres amoureux avaient su publier

Avant lui, déjà, tous ces meilleurs qu'on adule
L'écrasante infinie bibliothèque accule
Apprise, distillée, c'est toujours l'infini

Et partout loin de lui, le phare, le seul, brûle,
Ce phare qui, trop tard, permettrait qu'on encule
Les livres, le vivace, et l'éternel ennui.

mercredi 25 mars 2009

-spections



I
Avoir


Pour l'instant, ce que j'ai, c'est la faim – je n'ai pas lu la Ritournelle de la faim de JMGLC, mais ce titre m'inspire tant immédiatement – j'ai faim de rires, de sourires, de peaux, de courbes, de ventres, de seins, de flancs, de sexes, d'yeux brillants, dressés vers moi, de harcèlements pour qu'on se voie, partant de connaissances et de beautés pour me hisser parmi les voulus, au moins des voulus miens par leur fréquentation, j'ai faim d'amours enfin.

Il semble qu'après une pause de plus de trois mois d'un vide que je n'avais pas connu depuis près de trois ans, soit depuis avant la peur de la mort, et malgré des affections profondes et une étrange attirance, je puisse dire que je ne retombe plus amoureux. La hantise n'est plus que de quelques corps. Je sais que pour ma part tout est affaire d'occasion, et cela n'est pas trop étonnant pour l'amour, mais je suspecte cette absence installée. Il me faut continuer à lire les amours modernes, à trouver ce qui résiste au désessentialisme de l'amour homosexuel, et à lire les amours anciennes-actuelles qui formèrent les clichés ; il faut déterminer mes propres clichés ; construire, voire recréer une géographie sentimentale ; sans essayer pourtant de trop rationaliser cette hiérarchisation temporelle des attentes que j'ai confusément forgée (celle-ci de même que l'ineffable ne survivant par ailleurs probablement guère à l'abandon d'une certaine esthétique du vague).

J'écarte assez vite l'accusation négligemment lapidaire du tu as trop dit aimer, tu n'as jamais aimé que me délivrèrent ceux qui ne reconnurent pas en moi à la fois cet accès à la transcendance et ce besoin d'elle.

Alors quand a-t-on amour, quand y a-t-il amour – comme on dit quand y a-t-il art ? Petit-Clément dit que tout le monde veut baiser, ce qui est vrai ; et que baiser n'est qu'un besoin parmi d'autres, ce qui est vrai aussi : sans plus de significations et sans moins de plaisirs que manger ; peut-être avec simplement moins de résonances que lire, mais je m'égarerai plus tard dans cette snobinardise. Il n'y a pas forcément ici contradiction. Mais pourquoi cela devient-il un critère classificateur, ainsi qu'un but souvent ? Pourra-t-on s'échapper du carcan normé, normatif, supprimer la suprématie de pensée et cesser de s'y opposer ? (Faut-il toujours les drogues pour l'oublier ?) Y trouverons-nous une autre réponse qu'une aristocratie ? Qui puis-je connaître qui vit en dehors ?, un peu ?

MC sans doute – dont je ne suis pas sûr un jour de pouvoir écrire sans le souvenir, dont j'attends le mépris autant que je recherche la révérence, comme de tout mentor, et dont je n'ai que faire de rester un moment tributaire – est une solution, a assez déconstruit pour l'être, est soi sans travail sur soi, je crois, et se situe déjà au-delà de l'espoir et dans le chant d'adieu ; sinon que lui aussi à sa manière souscrit à l'acception du sexe comme critère classificateur, ce qui me paraît combattre le carcan en acceptant l'un de ses cadres – et je pleure et je pleure lorsqu'une énième fois je me relis et me rends compte ô combien juste était ce que j'écrivais à dix-huit ans, « alors nous voulons bien demander à rêver autre chose que demander autre chose »

Et jusqu'avant le point-virgule précédent l'on a pu voir que je me sais influençable, en un mot vulnérable face aux affronts et aux aspects de ceux-qui-semblent-vivre autres que moi. Sans doute les grands textes me constitueraient-ils, tandis que me faire baiser produirait quelque maturité, aussi les deux sont-ils prévus ; mais comment trouver par le vivre et le lire quelque chose qui me définirait à travers les normes et clichés ?

J'ai su que j'avais de l'honneur lorsque j'ai pris un professeur. J'aurais pu en rester là, dans un affaissement dubitatif face à des notes et des cours médiocres, dans la naissance lente, peu consciente d'elle-même et de ses échos, d'un talent ; je n'ai pu me laisser balayer de mon domaine. Les armes qui m'échappaient ne pouvaient pas rester aux autres. J'ai de l'honneur dans les lettres – et peut-être commencé-je à savoir, non pas que ma place y est, mais que j'y ai ma place, que je suis quelque chose face aux mots.

Je me disais l'autre soir : pour être Dustan, pour succéder à Dustan, il faudra l'assurance. Dans le questionnement, on succède à Bonnefoy. Je ne vois pas très bien où je pourrais me choisir, contre le monde, contre la vie, quand je suis incapable de m'acheter des fringues sous le regard des autres : influençable dans mon goût, compilateur conforme des postures et intonations rencontrées, que suis-je dans l'État, dans les majorités, dans les droites ?... Et mes idées n'ont-elles pas moins de valeur si d'autres les ont trouvées ?

Partant me vient cette conclusion logique : je suis pour l'instant, dans mes méditations de l'indécision et de l'indistinction, porteur d'une écriture adolescente, une écriture dont l'avantage est l'ouverture, – qui renvoie à la Fadeur disponible de la philosophie du Tao, lire un jour l'Éloge de la fadeur de François Jullien. Écriture adolescente : copier en (s')attendant, moi-même viendra peut-être.

Hm.

On me demande souvent, lorsque je m'abaisse ou me plains, si je n'ai pas conscience de mon intelligence.
Si, bien sûr. Par conscience de progression et par opposition, il n'est pas possible de ne se pas savoir quelque peu distinct. Mais, outre que mes domaines de prédilection même ne m'apportent (encore) aucune forme de certitude ou de point d'attache d'où s'élancer, outre que ma culture demeure (encore) relativement et absolument médiocre, outre que ma mémoire et ma concentration ne présentent (encore) rien de solide ; et quand bien même je parviendrais un jour à ce que parmi les choses de l'esprit on peut appeler une certitude, ou une assurance envers et pour moi-même, sur un quelconque point de savoir ou d'étude ; reste le sentiment que ce n'est pas l'important.

« Nous autres qui avons choisi d'encenser le corps » savons que l'intelligence est essentielle mais pas première. La beauté est manifeste, évidente, prééminente, au moins nécessaire ; la beauté est encore ce qu'il y a de mieux.

Ce qui n'empêche pas la hiérarchie par l'esprit. Dans laquelle je me compte... (On ne dirait pas ? Je mêle trop les interrogations ce soir, à m'efforcer de voir en entier le champ de mes troubles.) (On verra plus loin que cela laisse plusieurs contradictions.) Tranchons : voyons de quoi je suis et fus capable.

Passons brièvement bien que sans le moindre mépris sur les quelques sonnets mélanges d'exercice et de divertissement :

« Féminité » : après l'avoir trop lu, et assez mal compris, il semble que j'aie pris la voix de Baudelaire face à quelque Passante, sa voix s'il avait été homosexuel, au moins post-féminisme – d'un Baudelaire plutôt mauvais certes, affecté... (non publié)

Malgré la nette différence de maîtrise entre les deux, « Féminité » et « Sorti sans iPod » partagent le même esprit de plume : la posture amusée. Le second est réussi, drôle, musical – publiable, quand le premier a l'avantage de l'ancienneté. Sans conséquences.

Par souci d'exhaustivité et d'enchaînement thématique superficiel, je dois aussi parler d'« A Cappella », publié en commentaire chez et pour Atreides qui m'impressionnait beaucoup. Euh... joli ? Petite épitaphe où foisonne le bruit ?

« Panélégyrique » est un titre génial, mais le poème l'est moins, car dans mon accès de rébellion et mon manque de maîtrise, j'ai fait fi de la césure à l'hémistiche et laissé les e muets s'y balader, ce qui s'accorde fort mal avec un sonnet classique. Je m'y suis cependant bien amusé : rimes batelées, jeux de mots jouissifs, parfois très bien cachés, ton docte et méprisant, toujours agréable...

« Qu'il y ait donc des dieux » : ils sont ce que nous sommes, nous autres magies quotidiennes. C'était là, dans un sonnet clair et assuré, derrière l'apparence d'une simple critique de la religion, la première expression d'un thème qui me tient fort à coeur : l'idée que tous les hommes d'esprit n'ont pas choisi de céder au cynisme indifférent ou à l'espoir, ces deux faces du même abandon. (non publié)

« Paris n'est plus » : peu à dire de cette scène où se dégage un amour du tragique, du geste ployé vers le ciel sous le soleil ou la poussière. Mon tout premier sonnet : bien tard, à dix-sept ans. Féminité étant le deuxième, mais le premier à jouer des contraintes.
Le premier vers de « Paris n'est plus » est le premier vers digne de ce nom à m'avoir hanté (il se trouve, oui, que je suis surtout hanté par les vers miens, de façon peut-être un peu triste mais qui m'évita de réciter du Baudelaire en face des nuits noires comme mon rimmel), et mon premier vrai vers tout court. « Paris, je n'aurai vu que peu de tes merveilles » naquit dans la suspension zénithale d'un puissant crépuscule où sombrait vaillamment l'espace très-insignifiant et très-imposant d'un aéroport où je ne faisais que passer ; et sous l'éperon de cette pesante et chaude pause dans l'entre-deux mon regard dramatisa le tout dans un alexandrin à la charmante grandiloquence, qui s'ancra à mes mots plusieurs mois durant avant que je ne le couchasse et lui attachasse une suite décente. (non publié)

Dans cette lignée du vates solaire, mais avec moins de sérieux, s'est inscrit « pluie d'été beau temps pour aimer », que j'avais complètement oublié jusqu'à aujourd'hui. Il raconte à peu près la même fascination face à l'astre passant, avec ceci de modestie et d'offrande que peut exiger le désiré bien davantage que la nature, car de celle-ci on sait que la présence, le spectacle et la source d'amour dureront.

De « pluie d'été » je peux dire qu'à la véracité des images de l'amour, encore aujourd'hui touchantes, s'y ajoute plus de simplicité que dans toute autre de mes oeuvres poétiques – à l'exception peut-être du ravissant « A Cappella », nettement moins intéressant au demeurant. Fort et touchant parce que spontané, penserait-on. Pourtant ma plainte amoureuse envers ce garçon que j'ai tout de même failli acheter condense la plus indéniable spontanéité et une pardonnable médiocrité. Un manque d'anonymie, peut-être ? Un mauvais équilibre entre le référentiel et le général ? Des vers froissables, quoi qu'il en soit.

Quelques mois plus tard les amours se rassemblent dans le « Sonnet sans images » ; encore un peu plus tard l'amour des garçons s'incarne dans une collaboration avec MC, qu'il a nommé « dérive/r », mais que je préfère désigner par l'hémistiche « Et le soir esseulé », qui est le sien et le premier et qui me donna l'envie de déployer un premier quatrain en réponse. Et qui est beau.

Poème d'amour aussi, l'« Épithalaphe » se déploie encore à partir de l'un des vers de MC. « Je sombre évaporé dans une mer de douleur » est aussi le début de son poème : il condense toute une angoisse bouillonnante, tout un déferlement brouillon de meurtrissures de coeur... J'ai suivi le tridécasyllabisme (fortuit) pour y inscrire cet enfer du désespoir et de la vengeance, et formai dans ce jeu d'emprunts et de hantise un certain nombre d'images d'une grande majesté qui me plaisent toujours beaucoup, ainsi que certains vers à mes yeux merveilleux.

« El Deseado »
: Dans quelque temps j'en saurai assez pour m'écarter de l'honnêteté intellectuelle, et trouver un chemin mien en jetant dans le vide des connaissances diverses.
Amusant détail que j'avais oublié : dans le « Sonnet sans images », j'avais déjà tenté de rembarrer Nerval, dans une adresse effrontée.
À sa suite d'ailleurs « Je m'émerveille seul... » a l'air bouffi d'effronterie hautaine, en ajoutant à l'accentuation de certitudes sur l'amour un patchwork de références heuristiquement douteuses. Un certain sens de la formule le sauve cependant de la complète médiocrité.

Toujours dans les références et inspirations, je ne révoque absolument pas « Roland Barthes je t'aime », qui est encore tout à fait moi, et je publierai un jour « Un autre automne », fantaisie verlainienne que m'inspira l'un des poèmes de Black Sharne ma précieuse collègue. J'éprouve une certaine aversion envers la simplicité d'accès et de composition de Verlaine, mais «Sonne l'heure» reste l'un des plus beaux vers de la langue française.

Avatars de cette « interversalité » qu'introduisit l'article qui n'avait d'autre but que de conduire aux « Ministres », et peut se définir de la sorte : interversalité : intertextualité consciente d'elle-même ; autrement dit la méthode de constitution d'un texte qui se sait énième leçon d'un palimpseste, et qui joue d'être moins création que référenciation à tout ce qui de son point de vue peut être considéré comme document (source).

Quelles que soient les influences qui l'aient permise, l'image de l'éclosion d'une écriture s'impose à tout regard embrassant mon blog. L'esprit final actuel semble assez fini pour travailler sur lui-même, par des capacités qui lui deviennent propres. Quelques lignes directrices suivent et tressent et trahissent le fil de l'éclosion : le hasard des découvertes, l'orgueil, la paresse, et cette combinaison particulière de gourmandise et d'envie qu'il est facile de condenser, comme le fit ce subtil commentateur inconnu, dans la (volonté de) «possession» : cette « partie intérieure qui empêche de vivre » et qui dit comment vivre ; de même qu'elle empêche et a empêché de jouir, parce que la réalisation – et la mise en scène ! – de sa satisfaction est peu compatible avec l'abandon à l'instant.

Une remarque sur Dieu et la langue, une autre sur les pédophiles qui me valut haro et hallali : quelques réflexions sans nouveauté. L'intelligence consiste sans doute à comprendre avant vingt ans (ou avant... tout court) ce que d'autres mettent une ou deux moitiés de vie à concevoir. À ce titre, c'est quelque chose comme la moitié du génie.

ll y a aussi ce cortège de questions et d'élans, exemple de ce dont ne m'avait pas sauvé le dyptique introspectif précédent.

Un dyptique d'ailleurs vraiment bon, au regard de ce qu'il fait encore résonner en moi, mais vraiment obscur, un peu comme les «Ministres».
(À noter que la notion de stéréotype, initialement pensée comme vecteur de l'élan vers l'assurance physique et relationnelle et partant générale, est facilement transposable dans les termes de certitude intellectuelle employés plus haut, et fonctionne alors tout autant comme un point d'appui sûr, comme une étape apparemment nécessaire du déploiement progressif, de la maturation.)

« Pressentiment : je suis frigide. » Je ne voyais tout d'abord pas tellement comment j'avais pu écrire ça. Je suis pourtant plutôt nymphomane. Je suis dans le trop face aux garçons : j'aime trop vite, je veux trop fort et trop forcément.
Mais c'est précisément : « frigide » ultimement : baiser, comme manger et dormir, et au contraire de boire et d'avoir chaud, ne m'intéresse pas au-delà de la souhaitable qualité de la satisfaction ; aussi, une fois les besoins (et la possession) satisfaits, serais-je frigide. Tout mon rapport aux garçons réduit à l'appétit, corporel et psychologique, et tout à fait autre que mon envie d'eux : deux visions parallèles de leur présence.
« Je suis frigide » était donc une affirmation assez bête et orgueilleuse, mais qui mérite effectivement d'être vérifiée.

Il a fallu que je louvoie avant de m'attaquer à mes deux textes les plus réussis : celui avec lequel j'ai tué les Menstrues pendant un certain temps, et le sonnet qui poursuivit sa veine. Malheureusement, si je devrais pouvoir les prolonger un jour, je n'ai guère envie de les prosaïser, ni de me justifier d'une trop grande attention au corps du texte ou d'une complaisance dans la vacuité du message. Les « Ministres » sont peut-être à récrire, comme on me l'a suggéré ; mais je ne les conçois pas autrement ; tout comme je ne conçois pas autrement mon style que dans ce type de patchwork, tout comme je ne conçois pas autrement mon rapport au monde et à la politique que dans le kaléidoscope des regards d'Avétéré, Beatron et Pamela. Dans toute discipline, le rejet est l'initiale du projet.

et tout récemment, ce texte quasi entièrement rédigé au clavier qui feignasse dans les apodoses : un long moment décousu et dialectisé de spections involutives, de pistes où j'épistaimai.

(Sinon, j'ai aussi écrit des trucs un peu rigolos, comme ce post-ci, il y a longtemps, ainsi que celui-ci, celui-ci, celui-ci aussi, ou encore celui-là qui ne peut que faire sourire.)

Je me plais à traîner un projet littéraire : le moindre cours ou livre en subit les inspirations : un paragraphe s'interpose entre moi et tout autre objet, l'un des vers me tenaille ou, fini, me poursuit, le rythme désiré en change à chaque nouvelle connaissance... Cet article est quelque chose comme le cinquième de mes projets achevés, si l'on écarte les sonnets qui m'occupèrent quelques jours. Les « Ministres » furent bien sûr le plus écrasant. À terme, il apparaît que tout projet fonctionne comme un manifeste.

Dans ma carrière ou la pensée de ma carrière, j'abandonnai rapidement, par découragement et par indifférence, la recherche de nouvelles façons d'écrire, ce qui laissa d'ailleurs libre cours à mes pulsions réactionnaires en poésie. Si la nouveauté s'impose, je suppose qu'elle surgira. Tout aussi rapidement flancha celle de nouvelles façons de s'écrire, puisque critique ou hors critique, il ne s'agit que de s'écrire. Outre son caractère assez certainement illusoire, je ne vois à la recherche d'autres sujets pas grand'intérêt.

(En écrivant cela je me rends compte de mon erreur : l'écriture bloguesque est d'une certaine façon nouvelle, en ce que la page encadrant le texte diffère tout à fait de la page du livre – blancheur, numéro, en-tête, papier, volume, poids, coins, regard surplombant, parfum – ; et surtout en ce que les liens forment d'immédiates évocations dont en littérature l'illustration ne se rapproche que faiblement. Dans mon cas, évidemment, outre les facilités d'accès et de diffusion, c'est surtout un lieu de formation, de transition avant l'épreuve du papier, de fomentation de la contre-révolution.)

(En relisant à nouveau cela je réalise, qui plus est, mon illusion : je ne vis pas en paix parallèlement à la nouveauté : je la rejette et désespère de ne l'avoir pas en tête.)

Il est vrai que je souffre un peu du manque de critiques, et surtout d'appréciations sur le formel, auquel peu de mes connaissances sont désireuses ou capables de s'intéresser, et qui dessine l'essentiel de l'attirance auctoriale d'un être qui comme moi aime mieux parler et montrer que dire. C'est formellement que je désire et considère devoir me constituer en premier lieu et pour que tout le reste suive.

De la poésie à faire je ne sais que deux choses :
- Les jeux de langage et les manières strophiques ont leur attrait pour l'orgueil et leur intérêt pour le divertissement, mais ils ont leurs limites. Où va la poésie ? Cette poésie au sens commun – mystique, mythique –, puisqu'on la lit encore, puisqu'on la voit toujours, pourquoi n'en fait-on plus ? N'est-elle pas plus liée qu'on ne le croyait aux penchants ontologiques ?

Cette réflexion-ci est à la fois très-poignante, très-vraie et tout à fait ridicule et tronquée. La seconde est meilleure :
- L'enargeïa est un mot barbare pour l'objectif et la tension suprêmes de toute poésie au sens mystérieux que la langue courante peut lui donner : l'évocation d'un monde en à peine un détail.

mais peu utile, à mon avis.


II
Dire


Impératif catégorique : Écris de telle sorte que ton texte puisse toujours en même temps être étudié par un khâgneux et jamais seulement lu par la masse.

À partir de quel niveau de culture le langage a-t-il effet, à combien de savoir prend-il son pouvoir ? Cette façon de penser la langue que nous avons acquise nous fait voir la force et l'illusion, la voix, l'envol et le ciel de pensée des formulations. Puisque les mots de la poésie ne sont pas différents de ceux de tout autre discours – et qu'il s'agit pour tout poète de donner sa propre couleur aux purs mots de la tribu –, comment peuvent-ils ne pas se montrer toujours dans tous leur liens, tout leur élan ?

Il faudrait encore ici interroger la bêtise (pensée surtout en termes de culture). Vraie frontière de nos conceptions. Sur chaque question on peut distinguer, diviser les conceptions entre intelligence et bêtise, qui ont chaque fois ceci de commun qu'elles demeurent totalement, naïvement, fanatiquement extérieures l'une à l'autre ; ainsi lorsqu'elles jugent ou simplement captent les discours voient-elles chacune leur évidence, donnant lieu à la plus sévère scission : la pluralité des compréhensions du discours entraîne l'incompréhension des discours. Indépassable « vision scholastique » bourdieusienne.

Ce qui ne résout rien : peut-on penser que pour d'autres le langage peut ne pas faire sens ? Une fois que l'on a lu, comment envisager cette innocence du phrasé ? Peut-on seulement lire sans voir comment l'on dit ? Pourquoi lire dans ces conditions ? et peut-on écrire ? Le fond a-t-il un intérêt ? etc. – a thousand questions at once suggested themselves. (Je sens bien que cette interrogation n'est liée au langage que parce que je l'aime, et qu'elle est celle clivant les esprits à la plus petite échelle.)

Ainsi de la parole de je ne sais plus quel philosophe américain selon laquelle, si art il y a, c'est un moment perceptible uniquement par ceux habilités à le percevoir, circonscrit dans un certain champ temporel, un autre social et un troisième de connaissances (je brode): rien d'autre que l'affirmation de l'absence d'un universel de l'Art, tout en sauvant cette divinité d'un absolu relativisme subjectiviste comme celui qu'on laisse à la science. Il y a art quand je le re-connais? Et comme l'art on n'en a rien à foutre, il y a le langage, et il y a sa vie, la littérature. (La littérature est habilitée à montrer le monde ; si je change un jour d'avis sur ce point sive reconnais quelque pouvoir à l'image, je ne suis pas sûr d'encore écrire de poésie.)

Toute cette masturbation intellectuelle pour en conclure (?) qu'à mon avis, pour vivre dans l'a priori comme dans l'affection, il faut trouver pour chaque autre un point de regard et d'écoute entre le mépris et l'envie, le besoin et l'indifférence, l'étude et le jugement, la recherche et l'accueil – en gardant à l'esprit que l'esprit hiérarchise, même dans un arrière-plan sinueux et muet et résolument ineffectif ; et que la littérature est l'esprit.

Je vous juge selon vos façons de parler.

(En sachant que Plus je m'accuse et plus j'ai le droit de juger.)

*

Mon erreur est sans doute ici de considérer la connaissance comme un moyen, mais je demeure volontairement dans cet état d'esprit, cette vision de l'esprit, cette acception de l'appréhension du monde tant que ne s'avère pas la fin des entraves. Plus loin, ce sera me déclarer ambitieux.

*

Pirouettes rhétoriques... que de contradictions, que je resterai poète! Revenons à cet autre moment, davantage dans mes cordes : quand y a-t-il amour ? quand ai-je amour ?


III
Aimer


J'ai coutume de définir les gens que j'aime comme ceux que je ne serais pas prêt à tuer pour avoir ce que je veux. (Ne posez pas la question, vous savez bien que je ne vous pourrai pas répondre.) Qu'il soit parmi eux ou non (et je ne crois pas pouvoir le dire ici au vu de mes quelques lecteurs hypothétiques et de mes rapports avec lui), mon père est censé en faire partie, ou non – norme par rapport à laquelle je considère bien illusoire de considérer ne pas se situer. Donc.

ÉPIDICTIQUE DU PÈRE oui c'est un sous-titre et PUISQU'IL FAUT BIEN EN PASSER par là par cette écriture d'un style claviériste est tout à fait facile à produire participant aujourd'hui d'un automatisme informatique de lecture silencieuse qui place ses intonations dans le morne et laisse les nuances s'inviter seules j'ai toujours préféré la magie du papier de ses glissements dénihilateurs et quelque chose me dérange dans l'effacement remplaçant des ratures surtout pour les vers et la structure des livres mais c'est mon côté poète de droite les jeux des polices ressemblent finalement à ceux des recueils alors que la linéarité jusqu'au bout d'elle-même me gêne tout s'évoque forcément tout s'équivoque évidemment les jeux de mots les entrelacs des synonymes que l'on voit bien grossièrement s'équivoquer pourtant passent mieux glissent coulent à la rigueur zèbrent abaisser le suivi de la forme à celui des idées finir par un substantif résumant de plusieurs syllabes avec une satisfaisante diérèse et en tout cas la vie et puisque je le veux que la forme est facile. Je n'aime pas ça. Mais peut-être y a-t-il une poésie de l'écran.

Et du moins ce style est-il moins facile à circonscrire que celui que Guillaume Dustan emploie avec une fierté volubile assez consternante dans Nicolas Pages, je suis là, je suis ici, je dors, je fume un truc, j'en pense un autre, je bois, je me fais chier, je retourne danser, il y a du monde, Hypérion me dit C'est toi que j'ai vu à la soirée chez Patrocle fin novembre, je me dis qu'il ressemble à un type que j'ai fisté, je lui dis Peut-être, les gens me bousculent, la musique recommence, je pense à lui, à Nicolas, le mien, ou peut-être est-ce un autre, je me fais encore chier, moi aussi en fait, au moins chez Baron Rouge et les autres héritiers de Claude Simon, on peut jouer un peu avec l'ambiguïté des accords, des attributions, des qualificatifs, ou apprivoiser le hasard de la juxtaposition, je trouve que ça fonctionne sur le court terme, c'est devenu évident mais ça a vraiment remis en question la composition de la pensée écrite française, ce que Dustan tente d'ailleurs, mais le stream of consciousness à la Breast Easton Ellis ne fonctionne pas en français, de toute façon pour le préférer à celui de Joyce il faut être un peu taré, je crois que Dustan oublie que la langue française ne peut s'empêcher de littérariser, d'allitérer, d'altérer, voire de dialectiser, et ne s'accomode donc pas de ce genre de style, sujet verbe complément, elle ne peut qu'y vivre à moitié, mal, Dustan devrait écrire en anglais, plutôt que penser pouvoir omettre un héritage, Beckett l'avait bien compris, dans l'autre sens, et puis c'est facile, c'est encore plus facile, mais donc ce style est un emprunt au Nicolas Pages en question, qui dans un bouquin en son hommage est bien creux, et par conséquent Guillaume Dustan, pour qui il est l'élu, aussi, finalement c'est peut-être une façon ludique, subtile et personnelle de parler d'amour, Dustan qui est savoureux dans des textes comme Sex Requiem, des articles, mais j'ai peur qu'il ne faille pas oublier qu'il ne hiérarchise pas par l'esprit mais par la sincérité, la véracité, c'est-à-dire quelque part la simplicité, et je crois bien qu'on se fout complètement de ça en littérature, en forme, Dustan est un auteur tout entier politique.

Je parlais de ? mon père. Parce que je suis bien obligé de l'aimer, ou de ne pas l'aimer, la question se pose. Le père est là, même absent, même absent depuis toujours, et la question avec lui. Non seulement lorsqu'il n'y a pas de réponse, mais surtout lorsque la question n'atteint pas, un certain malaise se creuse sous l'effet des habitudes des siècles, une insituabilité qui quémande sa résolution.

Latente certes ; mais le père reste là. Un peu comme El Desdichado, un peu comme Freud : il est là si évidemment et ancestralement qu'il s'agit de choisir comment vivre avec lui et non de choisir si. Ma psyché n'y échappe pas : si le côtoyer m'a constitué, c'est de façon immanquablement freudienne. C'est l'un des cadres : « le Sang est à la lettre une Loi, ce qui veut dire un lien et une légalité » (Barthes). «Le seul mouvement qui soit permis au fils est de rompre, non de se détacher». Il me faut revivre ou rechercher sa présence ou son absence, il me faut le dépasser ou le détruire : l'oublier n'est pas pensable, l'omettre n'est pas possible. Car, lorsque c'est pourtant le cas, la réalité des autres nous y ramène. Bref, putain de principe de non-contradiction. L'on me sait influençable : Ô mon père ! est-ce toi que je vois en moi-même ? Sa personne se confond alors avec ce qu'elle inspire : où me situé-je dans son héritage, dans quelle mesure lui ressemblé-je, quand et dans quelle mesure mes choix sont-ils des émancipations ; quel amour donné-je si j'ignore le sien, en quoi mon amour est-il répétition du sien ; pourquoi à cet instant n'y ai-je pas fait référence ?

ce qui m'évoque le problème des passages obligés en littérature. Ce topos, ce lieu tant visité mémorisé appris enseigné l'a-t-il franchi parce qu'il était obligé ou parce qu'il l'aimait, ou l'aimait-il parce qu'il était obligé et qu'il voulait le recréer, ou bien l'aimait-il parce qu'il l'avait vu avoir été aimé ou obligé, cet auteur ? ah ! Légitimité confondante de l'aporie ! Ah tiens non, ce n'est pas un alexandrin. Pourquoi l'alexandrin est-il mon topos, d'ailleurs ? ( : Pourquoi faut-il que j'en parte et que j'y revienne ?) Serait-ce là vraiment le vrai souffle français ? N'écris-je que par lui ? Plus tard vous achèterez Essandre et l'alexandrin : un matérisme expiatoire, ENS Éditions. Que vous ne lirez pas, alors que vous vous forcerez pour mon pavé, L'Ennui et le courage, qui sonne mieux que l'inverse, paru avant le recueil De sorte que je comprenne, ou pour un ouvrage avec le mot Révolution dans le titre, et puis finalement pour la dernière édition de mon Anagnostemnicon – de la littérature de Variété, plutôt que pour mes livres de critique où sur l'exemple de mes prédécesseurs je me permettrai d'absconses emphases dans huit parties sous-titrées d'antimétaboles où je jouerai des néologismes souvent solitaires afin de cacher que je n'ai rien de plus à dire que l'Auteur lui-même et que je tente de retrouver la poésie d'une oeuvre par la prose de la mienne, ce qu'on appelle paraphrase, ce qu'on appelle critique, et qu'il n'y a rien de plus à dire de toute façon depuis des milliers d'années et que je vais mou-ou-ou-ou-ou-ou-rir.

J'OUBLIE ICI :
le reste de la famille, les amis, le pays, les auteurs.

A PRIORI

Lorsqu'en soirée l'on me demande ce que je fais dans la vie, je suis heureux de répondre, Je suis en deuxième année de prépa littéraire, oui khâgne voilà, tu connais, je la retape en fait, j'ai gravement foiré l'an dernier, mais je peux y arriver cette fois, et l'an prochain je serai riche et célèbre, et j'écraserai de ma vie ta misérable existence, vermisseau illettré ; je suis heureux de répondre parce que quoi de plus effectivement constitutif d'une brève façade identitaire que cette assertion d'une satisfaisante appartenance au monde des lettres – l'avantage de passer sa vie pas trop loin de ce qu'on aime : je me suis dessiné un peu ce que je suis, j'ai trouvé un morceau de première impression. Mais, retourner la question ? Il m'est déjà bien difficile de concevoir que la soirée se poursuive dans une autre salle ou à l'autre étage – oui, ce passage fait écho à un souvenir précis – ; comment m'intéresserais-je à ce qu'elle poursuit après ou ailleurs ? Que signifie pour moi le spectacle du monde ? Car je suis de ceux-ci que l'ego importune, et que j'acquière quelque consistance à leur contact ne signifie pas qu'ils en conservent en dehors de mon regard. Que signifie cette troublante altérité ? J'emmerde le monde comme un prisonnier de la caverne.

Et donc comment aimer ? Que m'est-il permis d'espérer ? N'y a-t-il aucun échange, l'amour n'est-il qu'un effet sur moi créé par l'occasion? Il n'est que de relire certains anciens poèmes pour voir que j'ai toujours été dans un amour soudain, la confiance et le don, l'immédiat absolu : peut-être le sentiment de l'inconcrétude d'autrui (d'autrui plus que d'autour d'ailleurs, il s'agit bien d'une mise en doute des consciences) se double-t-il naturellement de ce que je ressens comme un perpétuel émerveillement. Pourtant j'aime tant ! Je vous donnerais tout, êtres de mon désir – ce qu'on appelle amour, non ? Et si je ne le fais pas, c'est que j'attends l'échange, ou sa demande, ou son annonce, et que je n'aime donc pas seul ?

Il est effectivement renommé plus facile d'aimer le furtif ; pour ma part, plutôt que de facilité, je parlerais de simplicité, cohérente avec une vie très en accord avec moi-même – je ne me servirai pas du terme de sincérité de peur de perdre le lecteur, l'ayant révoquée plus haut dans un contexte différent. J'ai toujours vécu pleinement, dans une béatitude assumée, chaque instant d'émerveillement. Puis j'emportais du furtif l'éclat capturé.

Aimer comme avant me semblait bien plus simple : aimer plusieurs mais en grand, un grand amour bien que pluriel – pluriel, ni infini ni éternel : je pouvais avec précision savoir quand j'étais offert sans nécessairement m'offrir. Aujourd'hui, plus de fixation(s). Rester ouvert est assez dur, pensai-je. Non, pas tellement. Tout au plus moins de limites et moins de repères ? Béance actuelle d'affection, toute dernière affectation :

Je me vois au sol, nu, rouge, comme toléré, entre autant de chacun dont la vie éclaire un talent, entre autant de talents aussi peu éclatants que le talent mien sinon qu'ils nécessitent leur beauté/grâce/présence mais dont je sens autre que moi le prolongement de la hauteur, la possibilité d'atteinte. Peut-être tout simplement dans (face à) l'art d'être (ou d'avoir, suivant comment l'on définit le talent) l'altérité engendre-t-elle la différance engendrant l'éloignement fatal et est-elle seule responsable du clivage entre le si peu de moi et le tant des autres : peut-être que le nombre me trompe, et qu'en les voyant tous je les aime tous puis un par un.

C'est comme un balancement entre la dispersion et la tentative de fixation d'une présence. C'est une attirance entre contemplation et envie de possession : d'un côté la jalousie, la honte, de l'autre la phosphorescence, la nutrition.

Il me faudrait ensuite insister-délayer sur les rayons des flèches des arcs en cercle autour de moi qui fusent tous à la fois dans une lenteur acharnée vue de loin et revue en partance... verser un peu dans le romantisme, version aigre-douce flaubertienne... Je n'irais pas très loin : aussi préféré-je délibérément ne pas dissiper les volutes de la magie face à ce qui se présente ou se présenterait, et conserver dans l'a priori la rassurante esthétique du vague que j'ai déjà dit plus haut si salvatrice.

AIMER DIRE. Interlude. Les mots que j'aime effectivement et manifestement – qui me viennent à l'esprit, qui guident ma parole : sans doute, résolument, partant, pourtant ; circonscrit, et circonscriptible (apparemment un néologisme) ; appréhension, a priori ; élan, envol, lisière ; affront, effréné, corps ; et avec eux le subjonctif imparfait et le futur antérieur. Dans quelle mesure et vers quoi ma parole apparaît-elle ainsi bornée ? Calculatrice interdite, vous avez trois ans – ou jusqu'à ma première publication.

AVOIR AIMÉ : ce(ux) que j'avais coutume d'aimer de tout mon coeur, comme il est coutume de dire. Passage assez pénible.

Je reviens sur le « Sonnet sans images », que l'on sait à clef – la dernière strophe, assez vite composée et assez vite lue, est d'ailleurs là pour le souligner. Celui de mes poèmes qu'il serait le moins intéressant et productif de commenter. Il résume une page, il rassemble tous ceux que j'eus le temps d'aimer. « À moi-même ou plus tard », annonçait l'adresse : moi-même pour fixer les coeurs dont je pouvais très bien remonter, et disons que plus tard, c'est maintenant.

Il n'a pas forcément été clair (puisque j'en suis à totalement m'expliciter...) que les dystiques avaient pour but non de décrire les coeurs que je connais(sais) peu pour la plupart – ah non, pour tous, en fait –, mais voulaient décrire comment mon coeur réagissait à la pensée du leur (du leurre, haha) ; partant : de dire quel était mon amour pour eux. Ce qui n'était évidemment « possible qu'en vers », et qui forme un remarquable sujet d'inspiration.

Un, Deux, Trois, Cinq et Sept sont cependant parfaitement réussis en ce qu'ils conjuguent et superposent ces deux possibilités de clef – celle apparente et celle prévue.
Un est d'autant plus vrai qu'il rétrospectait déjà à l'heure de l'écriture. Amusant, c'est maintenant sur cette rétrospection que je rétrospecte. L'adversatif gêne un peu, il semble expliquer ; mais ainsi les élans de mon coeur d'alors sont liminés par ma voix, formalisant plus clairement le poème. Le garçon lui-même est encore un fantasme, bien qu'un peu beaufisé.
Un, Deux et Sept sont à voir comme les plus profonds, les plus beaux, figés, fixants, subsumants et proleptiques. J'ai davantage de réserve face à Trois, qui est un peu facile, mais qui, pour un amour facile, s'est montré peut-être juste ; et face à Cinq, parce qu'il y manque quelque chose... le contour ou le centre, je ne parviens pas à le décider. Cinq est le plus frustrant.

Quatre est matériellement et figuralement parvenu à transcrire mon amour, mais manque tout à fait le coeur désigné : je n'essayai jamais de retenir celui-ci.
Six me rend sceptique : est-ce lui, est-ce mon coeur, est-ce ce que je reconnais de moi-même en lui : de toute façon les deux vers taisent beaucoup de tout cela, ne dessinent qu'une partie. Qu'ils s'imposent brutalement à mon esprit après m'avoir longtemps résisté présageait de leur insuffisance. Ils s'appliqueraient à beaucoup de narcissismes.
Hors de toute clef, en pouvoir d'étincelle, d'incantation et d'adage, Six égale au moins Deux, et Cinq n'est pas nul.

Il est facile d'affirmer ce que l'on a déduit à demi-mots plus haut : finalement tout fut furtif. Les attirances et les désirs en naquirent ; les scènes de mes échecs, qui me traversent le crâne et le sternum comme un couteau blanc à chaque fois qu'elles me reviennent, ont figé du furtif. Les rencontres, les décisions, les acceptations de l'autre comme étoile se fondaient sur des impressions, vivaces en un éclair. Des blanches qui lançaient la ritournelle.
Exceptés Trois et Quatre – illusion et allusion –, amours qui n'attendaient ni retour ni rencontre, ainsi que Six qu'il faut confiner dans un statut d'attirance intellectuelle un peu particulier, tous furent à vrai dire si furtifs que jamais je ne leur donnai l'occasion de m'aimer.

Le furtif dura parfois.

La première fois que je vis B., je le trouvai franchement beau. Mais il ne me plut pas, enfin pas particulièrement : je n'aimai pas comment il était habitué à tout. Trop haut et trop autre. Puis l'espoir me fut donné ; un amoncellement d'apparitions furtives le rendit un peu moins autre, de sorte que j'osai aimer si haut ; il ne cessa alors de resurgir, toujours furtivement, et très souvent à dessein, se laissant chaque fois refixer. (Je paraphrase le dystique...)
Il ouvrit mon coeur à tel point que, pendant près de deux ans honteux où j'espérais, trouvant partout l'attrait dont je me déchirais, j'alignai les coups de foudre et téléscopai les amours sans changer de page. Tantôt le seul et tantôt parmi, B. (Deux) (coulé) restait présent et retenait ce coeur-là que je nomme mon premier coeur.
Si le « Sonnet sans images » suivait bien l'ordre chronologique, ce n'était que pour trancher dans l'imbroglio que causèrent les expérimentées circonvolutions qu'étala Deux sur deux ans. J'avais déjà été subjugué par Un lorsque je rencontrai Deux ; mais le second spectre changea le statut du premier en apparaissant, et le reconvoqua lorsqu'il sombra dans le pluriel.

Y a-t-il en B. exception ? Si mes élans solitaires vers lui furent longs, les visions de lui à proprement parler se succédaient dans l'hypotaxe, superposaient leur brièveté, – stroboscope ralentissant, – chaque maillon rappelant le reflet de la chaîne, – et pour arrêter là les comparaisons éthérées, la juxtaposition des éclats capturés dans le furtif n'a formé une courbe ascendante que par le nombre : je ne sais rien de lui. (Si ce n'est qu'après la lecture de mes « Ministres », il n'a trouvé qu'à dire : « et donc, à quoi ça sert ? »)

Bon, peut-on alors définir l'amour comme acharnement dans le furtif? La fille de terminale : furtif qui s'est acharné à réapparaître, furtif perpétuel. Non pas que je menai la danse, loin de là ; non pas que je n'aie pas souffert : l'inconsciente obsession était sinon réciproque, du moins mutuelle. Si à plus ou moins de furtif, plus ou moins d'amour, alors pour que perdure le furtif (sans la fixation mensongère et enfermant dans le ressassement monodique le soir sous l'oreiller), il doit se réduire à la question de la présence, qui est sa résurrection perpétuelle.
(Nous croyions jouer, nous pensions contrôler, mais tout s'est écroulé pour l'un puis pour l'autre, car le jeu avec les coeurs était à la fois rendu possible et empêché par la présence constante.)

Peut-être ma façon d'aimer se rattache-t-elle à ce que ma façon d'être est devenue. L'amour du furtif est rapidement visible comme la quintessence de l'autocentrisme, si l'on se souvient qu'il est acharnement a posteriori sur l'attachement à une vision furtive d'un coeur qui doit beaucoup à l'imagination.

Le furtif dura parfois, sed parfois.

Mes première et deuxième pages ne sont que très grossièrement dissociables. Mais pour simplifier, B. commença la première page, excita le premier coeur, et cette page et ce coeur sont comprimés dans le spectre d'absents du « Sonnet sans images » ; puis, tandis qu'il apparut pendant la première page, le Toulousain ne s'y put inscrire, meurtrit assez le coeur pour ouvrir sa propre page, que le « Sonnet achevé » résume.

Je n'aurais pas pu écrire de dystique pour le Toulousain – et c'est d'ailleurs sans doute la raison de mon malaise face à Cinq : deux vers ne suffisent pas. Ou plus sûrement, dans les deux cas, je n'ai pas envie que deux vers suffisent, je ne peux donc pas les écrire. Tout éclaircissement sur les penchants finit de toute façon par l'abandon – revendiqué : sauvegardons l'esthétique du vague ! Pour la même raison, il n'y a rien que je puisse résumer ou même paraphraser ici ; littéralement et dans tous les sens, il faut donc lire la deuxième page dans la mièvrerie verlainienne de « 24.06 », et le passage à la troisième dans le Sonnet finalement achevé.

*

Je suis très influençable alors j'ai tendance à penser que l'amour à sens unique est le seul vrai amour, parce que je l'ai lu dans Beigbeder et que c'était parmi les premières pensées d'amour que je lisais vraiment. Depuis j'ai lu Ovide et Stendhal et je ne suis pas plus avancé.
Je parlais plus haut de clichés : on a assez pu lire qu'un grand amour se moque des alentours et des cadres jusqu'aux références qui l'ont mis en forme sinon créé ; c'est donc cesser d'y croire qui demande de se situer – c'est donc preuve que l'on cesse d'y croire que se demander où se situer, notamment par rapport à lui.
Échapper à l'amour, ce n'est jamais s'y fermer, c'est le prendre en traître et s'ouvrir en entier, de sorte qu'il s'enfonce dans l'explosion des sensations et pertes et jouissances quotidiennes, et toile de fond parmi les autres, ce n'est plus qu'un sens supplémentaire. En amour solitaire, et pas encore éconduit, en restant sans espoir et sans malheur encore, on se situe chaleureusement dans le partout, on échappe un instant à l'insituable en n'ayant pas besoin de se situer.

AIMER AVOIR


Il y a d'abord un instant narratif, pas tout à fait nostalgique vu l'inutilité des petits bouts de choses qu'on était alors, et qui sent bon la colle Cléopâtre. H., mon premier amour, blonde, ma femme depuis une émouvante cérémonie en Bretagne devant toute ma famille, un mois avant mes sept ans. Très romanesque à notre égard fut ma mémoire sélective, en ne gardant de nous que deux scènes :
- une fin de récréation, où je l'accompagnai pour la voir partir dans sa classe avant que de rejoindre la mienne – les regards échangés sur le seuil sans doute à attribuer à un brodage par calquage visuel ;
- une fin de séance de piscine, où je déclarai à mon père que j'aimerais H. pour toujours et que je l'épouserais dès la fin de l'école, qui répondit, avant d'arguer quelques trucs dont je ne me souviens pas, par un sourire que je ne pouvais pas comprendre.
Elle déménagea.

Très romanesque encore fut l'épilogue. Je l'avais évidemment oubliée, en dehors de ce que mon père et mes cousines se chargeaient de revivre en m'en parlant. Et puis fin de seconde, j'arrive avec une heure d'avance à la remise des prix du concours de nouvelles : une brune me suit. J'étais deuxième ou troisième ; elle première. Elle a su mon nom, elle nous reconnaît, alors on raconte, elle raconte qu'elle joue de plein d'instruments de musique, qu'elle fait du théâtre, je viens d'arrêter, qu'elle quitte notre lycée bourgeois catholique pour faire de l'art, du dessin, je passe en S. Je n'y crois pas, je ne suis pas préparé : c'était toi ? c'était elle ? Plus tard : c'était elle, et elle est partie. Tu croyais que tout se passerait facilement, comme tout s'est toujours passé, et que tu n'aurais pas à faire de choix ? Tu aurais eu le temps d'assimiler le recommencement, pour voir venir la suite ? Voilà, rien n'a changé : tu n'as pas son numéro. Il arrive aux gens de vraiment disparaître. J'ai oublié jusqu'à son prénom.

D'un marasme à l'autre j'en arrive au Drôle, la seule chose de l'amour que j'ai vécue en me sachant jouer la vivre. Tant de lucidité et de jouissance dans l'autospection de ma part annonçaient certainement le peu d'importance de l'objet au final, son peu de place dans mon coeur – contrairement à ce que l'on a cru, apparemment ; il n'apparaît d'ailleurs nullement sur ce blog. Assez tristement, mes je t'aime étaient cette fois précisément traduisibles en : je t'aime de me permettre d'aimer en continu, de me donner la relation de réciprocité d'approche que j'avais toujours voulu expérimenter. Dans l'attirance, l'acharnement, l'autopersuasion, il s'agissait d'assurer un stéréotype finalement friable mais jamais inutile pour situer son regard dans l'ascension. Je tentai sincèrement de consolider le point d'accueil pour l'élever, i kept it together and tried to keep this thing alive, mais admettons que le sujet était mal choisi. Sans compter ses inadéquations avec lui-même, un ego, je dirais, intempestif, criblait sa précocité (ainsi que les patiences).
Le narcissisme m'attire beaucoup, mais dans autant de spirales, de ne se pas assumer et de ne se pas comprendre, il n'y a que la migraine. Avec sa mythomanie et sa paranoïa –ces formes d'autisme– ce garçon fait symboliser le monde tout entier pour s'en construire un sien propre. Pour qu'il devienne supportable et inoffensif, il lui faudrait, je ne sais pas, voyager, connaître la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues, avant de revenir.

Peut-être plus vieux, en résumé, pourra-t-il fréquenter le monde, et avoir d'autres intérêts que ses translations. Réflexion un peu foutage de gueule de la part d'un pédophile inexpérimenté pas tellement moins jeune ; et au regard de mes récentes attirances, il est possible qu'après tout je n'aime pas la jeunesse, et qu'elle ne m'obsède – elle et la désaxation face à elle – que d'un point de vue corporel ou temporel. Autocentré. (J'aurais finalement le profil type du violeur, qui méprise les objets de sa convoitise)

Le passage le plus amusant des oeuvres de critique littéraire ou de métacritique est celui où l'auteur énonce gaillardement les quelques pistes de recherches et faisceaux de causes qu'il faudrait analyser pour prétendre à un système d'interprétation cohérent, mais qu'il laisse avec bonté à la disposition d'autres spécialistes plus compétents ou moins inspirés. Je recourrai certainement à ce stratagème éculé lorsque le besoin de l'histoire croira se faire sentir. Par conséquent, tenez : je n'aborde pas ici la question de mon propre vécu, absolu et quotidien, du désir sexuel, la laissant à d'autres qui sauraient mieux me regarder que moi-même. (Et j'évite ainsi certaines conclusions qui me terrifient)

L'AMOUR ET LE SEXE, puisque j'ai feint de les confondre tout à l'heure.

Le principe est que l'émerveillement et l'attirance n'ont pas trait au sexe ; même si ce n'était pas forcément visible dans certains de mes mots, l'émerveillement précède le désir ; bien sûr il le prépare et se voit corroboré par lui, mais, tout au plus étape, il n'y commence ni ne s'y arrête. Si par hasard il lui succédait chronologiquement, le rapport de forces n'en serait, j'en suis convaincu, aucunement changé, et un désir différent naîtrait ensuite.

La certitude est que je m'estime assez angoissé physiquement mais libéré psychologiquement : corporellement disposé, voire en demande – d'une demande d'ailleurs semblable à celle que profère mon coeur : demande de nouveau et de même, de cercles dans une ligne.

Le problème vient du fait que si l'on suppose l'existence de l'amour, il faut supposer celle du sexe – comme activité à part. Non pas le besoin physique, mais la célèbre communion des corps, et la jouissance à l'unisson. Si le désir présente peu de variations (dans ses intensités, ses objets, ..., non dans ses voies d'expression), on pressent toutefois un autre sexe comme on devine, ou l'on aimerait deviner, un autre amour – quelque chose de franchement plus agréable que la lecture d'un Pratchett, par exemple ; un autre chose enfin, l'assouvissement de la pénible curiosité de ce que l'autre semble pouvoir apporter.

La supplication au monde et à l'humain est qu'il puisse exister ces états de conscience qu'il est évidemment facile de confondre : ces instants très humains, un peu moins mécaniques, cet idéal physique ou cette idée du coeur, en un mot ce sommet –car il faut un sommet- qui touche au transcendant, qui touche à l'ineffable... et, quel que soit le sens qui l'ait pu pressentir ou le cadre qui l'ait inséré dans l'instinct, quel que soit l'histrion qui se crut subversif un jour de le vouloir et le dire sommet, on l'aura défini soi-même et singulier assez pour s'être tous pressentis désignés et lancer l'un dans l'autre où nos pertes convergent.

Le soupçon est qu'aimer n'est pas que la gratitude face à la satisfaction de besoins et d'envies, et que le respect n'est pas que dans la permanence.

Toujours en train de vouloir... peut-être imaginer que je suis plus, que je vaux plus, et vivre comme si, reviendra-t-il au même ?

*

Le désir n'est pas très intéressant à raconter, dès lors qu'il n'est plus coupable ; étrangement, il demeure passionnant à lire : preuve qu'il reste quelque chose à en apprendre bien que l'on en ait déjà tout dit ?, ou simplement preuve de notre frustration ? Ce désir, et le plaisir, s'étaient habitués à la subversion et n'ont plus grand'chose à subvertir. À l'exception de certaines envies marginales que l'on imagine aisément – mais pas de toutes : ce que l'on appelle scatophilie par exemple n'a pas (plus, si l'on aime Sade), à mon avis, grand'avenir littéraire ou sociolittéraire –, les « sexualités » sont épuisées, c'est-à-dire assez traitées à présent pour s'incorporer à l'indifférent intertexte millénaire. On leur voit un destin tracé : une progression de plus en plus indéniable, bien que pénible et agacée par les réactions, de leur présence dans l'existence de l'esprit, de sorte que vont à peu près disparaître les récits qui ne traitent que du désir et du plaisir sexuels, et les récits qui les omettent.

Il reste cependant de quoi écrire sur les envies, désirs, plaisirs encore trop peu délayés pour ne pas constituer des identités : ceux dont l'héritage et la définition se fait par rapport.

Chaque jour l'empereur se réveille aux côtés d'Antinoüs, baigné de soleil et de peau blanche offerte, et on sent le sourire qu'il lui adresse d'un regard serein, sûr d'eux deux, dans la clarté dont il s'abreuve pour partir étendre les mains devant le peuple romain ; on invoque au nom d'Antinoüs les instants dénués de raison qu'ils ont dû vivre ensemble à l'écart des marées du pouvoir. Ophélia et lui avancent main dans la main dans le fleuve, tous deux dans la même poésie de la source et du fugitif, dans le chant des fondateurs éphémères, l'éclairage des comètes, la nouvelle terre. Elle un peu folle de n'avoir pas su aimer le grand esprit tombé au-delà d'outre-trône ; blessée de savoir sa magie nourrie à son immaculation convaincue, et cette lueur lancée, et le temporaire et le déclin instantané de cette lueur décidés par les parques du cadre, – et de pourtant s'ébouillanter aux liquides grandeurs qui s'échappent de ses plus de quatre cents frères s'échappant du cadre, – pour le rétablir il est vrai, mais sous l'effet d'antigoneries mêlant assez l'épée à la machine pour faire voir l'homme dans les hommes ; blessée encore de savoir la gestation d'un déclin à peu près régulier condition de sa lueur de magie. Elle eût bravé le fleuve, se sachant une autre magie que celle du cadre. Elle glisse. Elle accueille parmi l'onde une chaleur intimant le choix sien, le choix opaque et sans surface, le geste sans les rayons des flèches, impensable. Elle aussi eût été la marche d'où son Icare élancé eût connu la lumière ; mais puisqu'il avait d'autres colères, qu'il sortait l'épée avant de la diriger vers elle ? Elle glisse. Antinoüs est apparu comme elle or souffrant de se voir enchassé, défini havre, et s'est éloigné des yeux où il a mirroiré sans relâche, et s'est lassé à ne pas lasser. Intensément lointain, Antinoüs glisse. Chagrins de (se) préserver, mais agrippés l'un à l'autre au solide, elle et Antinoüs ont assez peu d'intérêt l'un pour l'autre pour réussir la séparation et manquer le clivage : elle et Antinoüs auront cru pouvoir ne pas posséder : s'ils lâchent ils auront connu ce qu'est voir l'autre quand on refuse d'être autre.

MOI ?
se reporter encore une fois à cette note pour voir que je ne me sais pas aimable
malgré la hiérarchie de l'esprit je m'aimerais si j'étais beau
et pourtant l'on m'a dit mignon, j'ai des morceaux jolis ; je ne me sais pas aimé
il n'y a pourtant que moi que j'ai peur (peur.) de perdre

mais si j'ai su aimer pourquoi n'aimé-je plus
pourquoi n'y crois-je plus, moi qui disais y croire
pourquoi faut-il que ne m'attire que la possession
si l'amour était vraiment un carcan ? un fruit du carcan ?
l'ultime norme ?
l'espoir
si La Rochefoucauld avait raison ? ils « ne seraient pas amoureux s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour »...
si l'amour était simplement un autre aspect, une autre traduction, du « 'doit y avoir autre chose » de Saez ?
que sais-je de l'amour ?
qu'en ai-je vécu autrement que seul ?
pourquoi accepté-je si naturellement l'amour alors que j'ai si naturellement réfuté Dieu, si jeune ?
voulais-je aimer ? oui, mais je voulais Croire, avant : je n'ai pas pu
ou bien je n'ose plus donner le nom d'amour
ou simplement j'aimais aimer

alors ce que j'appelle amour est (mais n'a pas forcément toujours été puisque l'amour est ce que l'on en pense) le déversement d'affection qui suit la suscitation de l'intérêt pour ce qui existe pourtant en dehors de moi
l'amour est l'esquive du croisement des regards
l'amour est la contradiction de cet infracassable noyau d'autocentrisme
l'amour est la contradiction de la solitude


...j'ai de quoi en faire des livres


dimanche 22 mars 2009

Beaucoup d'ados pour rien

Je publie bientôt un article qui m'aura pris beaucoup trop longtemps et dont l'intérêt formel ou final ne vaut pas l'investissement qu'il me coûte. D'autant plus que sur certains points (les attirances, notamment), cette laconique revue est condamnée à l'obsolescence, sans compter son ridicule.

J'ai commis cette année l'erreur de fréquenter des garçons épanouis et de vouloir leur ressembler, sous ce prétexte qu'ils se voyaient épanouis - réalisés - par leur manière d'être aux autres ; de m'efforcer de leur ressembler alors même que leurs valeurs ne correspondaient pas du tout aux miennes, qu'ils n'étaient ce que je voulais que dans leur bonheur ou leur satisfaction. Les gens qui partagent mes goûts, mes vouloir-avoir et mes vouloir-être, résonnent pour moi d'une lumière toute autre, et sont souvent détestables. Qu'elle est dure la fréquentation des garçons, qu'elle est plus dure encore que la lecture, pour l'être influençable ! (pour l'influençable dont l'endosquelette érotique est la théorie corporelle de son propre désir, qui dans la fréquentation puis la contemplation ne peut échapper à la comparaison !) Glissant toujours, sa perméabilité fait son éclectisme, mais surtout sa faiblesse de définition, et lorsqu'un épisode de réclusion relative autocentre ses spections, il voit d'un oeil malheureux les contradictions que ses compilations ont taillées à la serpe et qui l'ont une fois encore embourbé dans les commencements de devenirs d'où surgit parfois et qu'empêche encore un peu l'éclat inopportun d'un trait constitutif voire essentiel que le regard n'avait ni remarqué ni, partant, inclus dans un projet.

lundi 26 janvier 2009

une fois pour toutes ? EL DESEADO


Après, après, après

Après l'anacyclique syllabique de Perec, le X+7 bien moisi et le X+1 pas beaucoup mieux de Queneau, les mumuses des Oulipiens en général et un tas d'autres versions bordéliques ; après Hadrien félicité par les poètes vivants ; en vérité, c'est bien mon tour : il me faut exorciser, conjurer en convoquant, puisque je ne sais pas ignorer ce qu'on dit héritage. Je souscris, je souscris.

(L'original, pour rappel)

EL DESEADO

Je suis l'Adolescent, - le Coeur, - l'À-Consommer,
Le Prince qui dégaine une Tour alanguie :
Ma seule étreinte est forte, - et mon but avoué
Porte le sceau des Soirs où l'âme est endormie.

Dans l'ennui du Troupeau, Toi qui m'as désigné,
Rends-moi ta peau si lisse où ma lèvre pâlie
Effleure, épuise, étend ; ce qu'on veut avaler
Se réveille et se cambre et la peau s'est salie.

Suis-je à vous ou fait pute ?... Excitant ou mignon ?
J'affronte un jour encor le brasier de l'Arène ;
J'arrive alors qu'approche en nage mon Aubaine...

Et j'ai de cent vingt coeurs inversé la raison :
Enculant tour à tour sur ma Bite courbée
Les rougissants Gamins et leur prison lactée.


dimanche 4 janvier 2009

Sorti sans iPod

Sorti sans iPod

Imitation des mièvreries

Certain jour, appelé par un autre unisson,
J'ai vu des sons connus attiser l'héritage
Qu'ont laissé l'imposé, le réel, de cet âge
Où l'on évoluait sans une bande-son ;

Et sorti sans iPod où la ville m'engage,
Du silence l'étau s'affalait en rayons :
Cherchant en chaque affront l'écho d'un carillon,
J'ai vu tout éclairé sans recherche d'images.

Mais je ne revis pas l'imprévu des sillons,
Car je trouvais - savais - la fin d'une chanson
Réfutant le curieux de mon pélerinage :

Peu d'attente est permise aux jours des écouteurs
- Surtout sans composer ! - Le cri de l'intérieur
Compose à l'être seul un bruit de coquillage.








C'est pas vrai, hein, je sors jamais sans mon iPod. C'était juste pour l'exercice renaissant, tout ça.